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„Bal masqué“, histoire à faire rougir de Marie Gray Laurence n’aurait jamais pu se douter qu’un simple carton d’invitation changerait à ce point sa vie. La missive ne lui était d’ailleurs même pas adressée. L’enveloppe se lisait comme suit Madame Andrée Beaulieu 2650, rue Vallier Montréal, QC H2Z 3K8 C’était bien l’adresse de Laurence, mais elle n’avait jamais entendu parler d’une quelconque Andrée Beaulieu. Elle habitait pourtant au même endroit depuis trois ans. En temps normal, elle aurait renvoyé l’enveloppe au bureau de poste sans même chercher à savoir ce que cette dernière contenait, en spécifiant que la destinataire n’habitait pas à cette adresse. Mais un détail attira son attention. Sur l’enveloppe, à l’endroit où aurait dû figurer l’adresse de retour, se trouvait une illustration intrigante une main cueillant une pomme sur la branche d’un arbre. Cela lui fit penser à une gravure ancienne, à l’image de celles que l’on trouvait dans les livres d’un autre siècle. Mais ce qui la frappa surtout, ce fut la petite maxime inscrite sous l’illustration: Pour l’ultime dégustation du fruit défendu. Laurence était l’incarnation par excellence de la jeune femme sans histoires. Commis dans la même firme de comptables depuis sept ans, elle était célibataire. Une vraie de vraie, endurcie et abstinente. Elle filait le parfait bonheur avec ses chats, son téléviseur à écran géant sur lequel elle visionnait des tonnes de films de toutes sortes, ses surgelés et son maïs soufflé. Ces petits plaisirs tout simples lui suffisaient amplement. À vrai dire, Laurence se considérait sans charme, alors qu’elle n’était, en vérité, que terne. Elle ne cherchait pas à plaire à qui que ce soit, portait très peu de maquillage – elle n’avait ni la patience ni l’imagination requises pour cet exercice – et s’habillait de vêtements confortables, mais sans style particulier. Ses collègues n’avaient jamais cherché à la connaître intimement ils la trouvaient mortellement ennuyeuse, la traitant avec civilité, mais sans chaleur. Cela convenait très bien à Laurence qui, de son côté, ne voyait en ces personnes que frivolité et insignifiance. En fait d’aventures, Laurence n’avait pas été choyée. Elle était tombée amoureuse, à l’âge de dixsept ans, d’un garçon un peu plus âgé qu’elle. Il l’aimait bien, lui aussi, mais avait dû rompre avec elle pour épouser une autre jeune fille malencontreusement tombée enceinte de lui, suite à ses faveurs quelque peu imprudentes. Laurence n’avait depuis eu aucune autre relation durable. Elle avait donné sa virginité à ce garçon – de façon assez déplaisante, d’ailleurs – et s’était résolue à passer le reste de ses jours avec lui. Leurs deuxième et troisième relations physiques s’étaient avérées plus prometteuses, quoique encore maladroites, laissant entrevoir de nombreux plaisirs à découvrir. Mais il l’avait laissée tomber au même moment. Elle en avait été très bouleversée et s’était bien juré de ne jamais plus se laisser embobiner. Ce fut donc la fin de ses explorations en matière de plaisirs sexuels. À cette époque, elle n’aurait pas prédit que cette «grève» durerait aussi longtemps. Mais elle n’avait pas trouvé le courage de chercher à rencontrer quelqu’un d’autre un nouvel amant qui, vraisemblablement, la blesserait une fois encore. Elle avait cependant appris à se procurer toute seule un peu de réconfort. Et quand elle devenait vraiment frustrée, elle se masturbait en imaginant qu’elle possédait cet homme qui avait osé la quitter. C’était alors l’autre femme qui gémissait de dépit, enceinte jusqu’aux oreilles. Une bien triste compensation qui l’avait conduite, peu à peu, à délaisser jusqu’à ce petit plaisir égoïste. Laurence croyait donc bien s’être débarrassée de toutes ces tentations, mais voilà que, de manière incompréhensible, la petite phrase sur l’enveloppe aiguisait sa curiosité, l’incitant à ouvrir le pli. Chère Madame Beaulieu, Vous qui vous êtes jointe à nous auparavant dans la recherche des plaisirs interdits, Vous qui savez aborder vos désirs et vos passions, vous qui appréciez la discrétion de nos explorations, vous êtes cordialement invitée à notre premier bal masqué pour souligner l’anniversaire de notre première aventure. Selon nos traditions, nous souhaitons que vous partagiez cette invitation avec votre ou vos partenaires intimes. La soirée se déroulera à l’adresse et à la date indiquées au bas de cette invitation. Pour des raisons évidentes, nous vous demandons de présenter cette invitation à votre arrivée. Venez partager avec nous cette soirée qui sera sans doute inoubliable Aucune tenue particulière n’est exigée. Nous vous prions cependant de bien vouloir masquer votre visage afin que les «échanges» demeurent secrets et mystérieux. Dans l’attente de votre plaisir… Suivait une adresse au centreville que Laurence s’empressa de taper sur son clavier d’ordinateur, pour voir aussitôt apparaître virtuellement sur l’écran la petite rue, nichée à l’ombre de la montagne. Accessible d’un côté seulement par une rue secondaire, elle se terminait en impasse. Bien entendu, la première réaction de la jeune femme fut de mettre la lettre en boule et de la jeter au recyclage. Comme elle l’avait déjà ouverte, il lui était maintenant impossible de la déposer à la poste, et ce ne serait certainement pas elle qui assisterait à une telle soirée Elle se prépara un plat de spaghettis surgelés, le mangea en regardant un vieux film français et s’endormit sur le canapé, n’accordant plus la moindre pensée à l’intrigante invitation. Au matin, cependant, alors qu’elle allait porter son bac de recyclage sur le trottoir, une soudaine impulsion la fit fouiller dedans, presque frénétiquement, jusqu’à ce qu’elle retrouve la lettre. Elle la défroissa soigneusement, étonnée par son curieux comportement, et la laissa sur le comptoir de sa cuisine. Elle ne prit pas le temps de la relire, mais ressentit un vague soulagement de la savoir là, en un seul morceau. Par la suite, tout au long de la journée, elle se surprit à penser à ce mystérieux bal. Qui étaient les personnes qui assistaient à une telle soirée? Que recherchaient elles? Quelle était l’étincelle qui déclenchait de telles attitudes? Comment la soirée se déroulerait-elle? Laurence arriva chez elle à la fin de la journée et vérifia la date du bal avant même de se déchausser. Huit jours… Elle n’allait certainement pas passer les huit prochaines journées à être distraite, à ne pas pouvoir se concentrer convenablement sur son travail et à se poser toutes sortes de questions au sujet de cet événement, quand même… Elle réalisa tout à coup que non seulement elle y penserait jusqu’à la date fatidique, mais aussi après et probablement au cours des semaines suivantes. Elle venait en effet de découvrir un univers dont elle ne soupçonnait même pas l’existence jusqu’à ce jour. Et bien malgré elle, elle brûlait de curiosité. Où pourrait-elle trouver une réponse à toutes ses interrogations? Elle devait absolument en savoir davantage sur ce genre de manifestation. Était-ce fréquent? Elle n’en avait jamais entendu parler. Était-elle à ce point déconnectée de la réalité? Elle envisagea de faire une recherche sur Internet pour obtenir plus de renseignements, mais quels mots clefs devait-elle taper, au juste, «Bal masqué», «plaisirs interdits»? Elle se rendit compte qu’elle ne savait même pas comment nommer cet événement. Si elle cherchait quelque chose comme «soirée sexy», tomberaitelle sur un de ces sites pornos où toutes sortes d’âmes perdues s’adonnaient à des perversités pires les unes que les autres Elle frissonna rien que d’y penser. Le plus simple, c’était encore les journaux. Les petites annonces lui donneraient peutêtre quelques indices. En feuilletant cette rubrique, elle vit les publicités de nombreuses agences d’escortes offrant divers services plus ou moins subtilement. Puis, celles de salons de massage… et des annonces de gens cherchant à peu près de tout, du partenaire classique à l’aventure insolite. Mais nulle part, elle ne trouva la mention d’un bal masqué ou de quelque soirée érotique organisée impliquant plusieurs personnes. Déçue, elle délaissa son quotidien et tenta de se changer les idées en lisant un roman de son auteur favori. Mais à peine quelques minutes plus tard, fatiguée de parcourir le même passage pour une dixième fois pour en comprendre le sens, elle se leva d’un bond et se résigna à interroger son ordinateur, en s’exhortant toutefois à la plus grande prudence. Laurence tapa tout d’abord «soirée intime» dans la fenêtre du moteur de recherche. Les résultats n’étaient pas convaincants, puisque toutes sortes de liens apparurent sur l’écran, menant à des boutiques de sousvêtements comme à des restaurants romantiques vantant leurs mérites. La jeune femme essaya alors plutôt «soirée érotique» et fut étonnée du nombre effroyable de sites de toutes sortes qui offraient des soirées particulières du même type que celle à laquelle elle avait été invitée. Enfin, ce n’était pas tout à fait elle qui y était conviée, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. Elle mit un moment avant de comprendre qu’il s’agissait pour la plupart de sites de clubs échangistes. Il y en avait tant Laurence était abasourdie de le découvrir et ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle avait bien fait de rester seule jusqu’à présent Si c’était là que menaient l’ennui et la monotonie d’une vie de couple, elle n’en voulait pas Audelà des considérations d’ordre moral, ce qui la chicotait le plus était que rien de tout cela ne correspondait vraiment à ce qu’elle cherchait. On s’adressait sur ces sites surtout aux couples, alors qu’elle était seule… Et curieusement, elle en fut déçue. Elle se mit alors à lire, en désespoir de cause, quelques témoignages de participants. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que plusieurs d’entre eux venaient de femmes qui semblaient s’être rendues à un de ces endroits seules et prétendaient avoir passé une soirée mémorable. «Dieu que le monde est pervers», pensatelle. Elle cessa brusquement sa lecture, refusant de s’attarder à l’étrange picotement que les derniers aveux de ces femmes dépravées avaient provoqué dans son corps. Elle parcourut distraitement quelques autres passages d’un de ces clubs particuliers puis, en cliquant sur l’onglet «album», elle resta bouche bée devant une série de photographies particulièrement suggestives. Deux femmes et deux hommes y étaient notamment représentés dans une série de positions acrobatiques, un brun avec une blonde et un blond avec une rousse, ensuite, le blond avec la blonde et la rousse avec le brun, puis, la blonde avec la rousse… Laurence tombait littéralement des nues. Tandis que son corps réagissait à ces images, son cerveau tentait, tant bien que mal, de rationaliser et de se convaincre que les gens normaux ne se laissaient pas vraiment aller à de telles pulsions. Mais si quelqu’un, dans cette ville, prenait la peine d’organiser un bal masqué, il devait bien y avoir une petite partie de la population qui vivait de façon aussi obscène, quand même Cette nuitlà, Laurence fit le premier rêve érotique de sa vie. Tout y passa, du jeune traître qui l’avait laissée tomber – ses traits étaient déformés et sa queue, immense grâce à la magie du rêve – à une orgie démente à laquelle participaient tous ses collègues… qui portaient des masques transparents et rien d’autre La jeune femme s’éveilla en sueur, le corps brûlant et les cuisses écartées, désirant combler ce qu’elle s’était refusé trop longtemps. N’y tenant plus, elle se précipita à l’assaut de ce brasier. Au contact de ses doigts, son corps frémit, et elle se mit à effectuer de petits mouvements circulaires avec sa main droite, tentant de faire durer son émoi. Elle s’attarda tout autour de son sexe maintenant béant, grattant d’un ongle timide la petite boule de chair, érigée fièrement, qui la ferait jouir d’un instant à l’autre. Elle se surprit à penser, pour la première fois depuis des années, qu’il lui faudrait quelqu’un d’autre pour calmer ce feu ardent. Une main, une langue ou une verge imposante, peu importait. En insérant un doigt, puis un deuxième et un troisième dans son corps assoiffé de caresses, Laurence assouvit du mieux qu’elle le put ce soudain désir. Sa main glissait en elle, la remplissant enfin, lui procurant d’innombrables soupirs et frissons, et, surtout, lui faisant réaliser à quel point ces sensations lui avaient manqué. Elle s’imagina entre les bras d’un amant l’écrasant sous son poids et au membre dur comme de l’acier qui lui déchirerait les entrailles. Sa main gauche s’en alla rejoindre sa jumelle, mais s’attarda à l’entrée de son corps, glissant doucement sur ses lèvres et son sexe humide. Quelques secondes lui suffirent pour s’abandonner au tout premier orgasme qu’elle ait vraiment pris la peine de ressentir. Elle sembla vivre les jours suivants à travers un épais brouillard. Laurence ne se reconnaissait plus. Elle était distraite, et son travail en souffrait. Elle n’avait plus beaucoup d’appétit. Le soir, au lieu d’écouter sagement un film à l’eau de rose, elle retournait sur le site Web qui l’avait tant troublée et tentait de déterminer quelle photographie la fascinait le plus. Elle en étudiait tour à tour plusieurs avec une patience et une concentration presque cliniques, s’efforçant d’imaginer les sensations qu’elle ressentirait à la place des protagonistes. Mais l’imagination a ses limites… Elle finissait donc presque invariablement par se masturber au beau milieu du salon, l’ordinateur oublié sur la table à café, rêvant à de nombreux corps emmêlés et anonymes. Au bout de quelque temps, sa décision fut prise. Elle en était venue à cette conclusion presque malgré elle, n’obéissant qu’à un instinct primaire. Coûte que coûte, elle assisterait au bal masqué. Le jour venu, Laurence s’efforça tant bien que mal de ne pas penser à ce qui l’attendait. Elle se jetait à l’eau pour la première fois de sa vie, n’ayant aucune idée précise de ce qui allait se produire. Elle se sentait impuissante, comme attirée par un aimant invisible. Ce n’était pas vraiment elle qu’on invitait Qu’à cela ne tienne Elle ne pouvait plus reculer, à présent. Toute la journée, elle fit en sorte de se tenir très occupée, quitte à faire preuve de zèle. Elle parvenait à fonctionner comme une automate, appliquant son cerveau à deux tâches distinctes son travail et son obsession. Que porteraitelle à ce bal Que verraitelle sur place Ces questions et de nombreuses autres la hantaient sans cesse. À la fin de la journée, Laurence était fébrile. Maintes fois, elle se répéta qu’elle n’était nullement tenue de se rendre à cette soirée ridicule. Mais inlassablement, un frisson d’anticipation la convainquait du contraire. Elle devait y aller ou y laisser sa raison, elle le sentait. La remarque du groupe de femmes qui quittèrent le bureau sur un «Bonne fin de semaine, Laurence! On est sûres que tu vas t’éclater, comme d’habitude» acheva de la décider. Eh bien, elle allait leur montrer qu’elle n’était pas qu’une vieille fille frustrée. Pour s’éclater, elle s’éclaterait, foi de Laurence! Après avoir quitté son travail, elle décida de passer par l’un des grands magasins parsemant le chemin du retour. En effet, lorsqu’elle avait examiné sa garderobe ce matinlà – ce qui n’avait pris que quelques minutes – elle avait bien réalisé qu’elle ne possédait rien qui fut même vaguement approprié à une telle soirée. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que les autres invités allaient revêtir, mais se disait qu’une petite robe noire, simple mais attrayante, ferait sûrement l’affaire. Or, dès qu’elle pénétra dans le rayon des vêtements pour dames, elle la vit. C’était une toute petite chose, toute droite, toute légère… si différente de ce qu’elle avait l’habitude de porter Elle partit immédiatement l’essayer. Mais en retirant la robe qu’elle portait, la banalité de ses sousvêtements lui sauta aux yeux. Elle passa quand même la robe noire, qui lui allait comme un gant, avant de se diriger vers le rayon de la lingerie. Elle y choisit un ensemble soutiengorge et culotte pas trop provocant, mais qui l’aurait sans doute fait sourciller quelques semaines auparavant. En essayant ces morceaux de tissu soyeux, seule devant la glace, Laurence se regarda pour une fois d’un œil indulgent. Ce qu’elle vit alors la dérouta. Elle n’avait jamais vraiment pris la peine de s’observer ainsi, de se regarder comme quelqu’un d’autre pourrait le faire un homme, par exemple… Elle se trouva, à sa grande surprise, plutôt attirante. Les sousvêtements délicats faisaient ressortir à merveille son teint pâle et la douceur de sa peau. Elle s’examina comme si ce corps, qu’elle croyait pourtant si bien connaître, lui était étranger. Cambrant les reins, elle s’imagina posant pour un photographe inconnu… peutêtre même sur une des photos qu’elle regardait depuis quelque temps sur son ordinateur. Cette pensée l’excita si intensément et de manière si inattendue qu’elle ne put qu’abdiquer, en se disant qu’elle pourrait très bien faire l’affaire et était, après tout, aussi excitante que ces autres femmes qu’elle avait, elle le réalisait à présent, enviées tant de fois. Elle passa lentement sa main droite sur le soutiengorge, se caressa les seins, descendit le long de son ventre et longea sa culotte. Elle releva ensuite une jambe sur le petit tabouret qui meublait la cabine et dévoila son sexe, qui lui était maintenant plus familier. Sa main vint effleurer la chair tendre située entre ses cuisses, remontant langoureusement vers ce pubis trop longtemps négligé. Elle se masturba ainsi, devant la glace, elle qui auparavant n’aurait jamais osé en envisager la possibilité. Au moment de jouir, elle ferma les yeux. Puis les rouvrit une fois libérée. Et ce qu’elle vit la fascina. Elle était là, le souffle court, le visage rougi, les yeux perdus et les cheveux emmêlés. Étaitce vraiment elle Elle se sentait enfin femme et ce soir, elle rattraperait toutes ces années perdues. Encore confuse du geste qu’elle venait d’accomplir et des puissantes sensations physiques et émotionnelles qu’il avait déclenchées, Laurence paya sa marchandise et sortit du magasin d’un pas ferme et rapide. Il ne lui restait plus qu’un seul arrêt à faire. Elle vérifia l’adresse de la boutique d’accessoires de théâtre qu’elle avait repérée plus tôt dans le bottin téléphonique et s’y rendit sans attendre. Elle vit ce qu’elle cherchait en entrant. Une série de loups étaient accrochés aux murs du petit magasin, certains très fantaisistes, d’autres plus discrets. Elle en choisit un très simple, en velours noir. Puis, en passant devant quelques perruques, elle ressentit tout à coup une pointe d’appréhension. Un détail lui avait en effet échappé… Et si on découvrait qu’elle n’était pas Andrée Beaulieu, la femme à qui l’invitation était adressée Et si cette femme avait une chevelure ou une physionomie totalement différente de la sienne «Il faudra que je montre l’invitation en arrivant au bal, c’est certain. Mais si la personne à qui je la présenterai connaît cette mystérieuse étrangère, me mettraton à la porte», se demandatelle, paniquée. Ce serait horrible, après toute cette anticipation Elle décida néanmoins que le jeu en valait la chandelle et qu’en cas de problème, elle improviserait. Elle pourrait par exemple prétendre que madame Beaulieu ne pouvait pas venir et lui avait refilé l’invitation. «J’espère que cela ne cause pas de problème», demanderaitelle de son air le plus innocent. «Vous pouvez bien sûr compter sur ma discrétion. Andrée n’aurait pas envoyé n’importe qui, vous la connaissez», concluraitelle. Cette ruse pouvait marcher. Elle porterait de toute façon une écharpe sur ses cheveux juste pour entrer, afin d’éviter les questions. En arrivant chez elle, excitée et le souffle court, elle se prépara un repas léger, mais nourrissant. Elle aurait sans doute besoin de beaucoup d’énergie, ce soir… L’heure fatidique approchait. Laurence prit une longue douche, puis enduisit son corps entier d’une huile à la douce odeur de lilas. Elle déposa délicatement quelques gouttes de parfum à des endroits stratégiques de son anatomie, comme elle le voyait faire dans ses films préférés sur la nuque, derrière les oreilles, entre les seins et dans les cheveux. Elle ne prit pas beaucoup de temps pour se maquiller, le loup camouflant ses traits efficacement. Elle se permit toutefois une innovation, à savoir un rouge écarlate dont elle recouvrit soigneusement ses lèvres, appliquant également, en guise de touche finale, le fixatif miracle que lui avait tant vanté la vendeuse de cosmétiques du grand magasin. Fin prête, elle se regarda une dernière fois de haut en bas dans la glace et fut satisfaite du résultat. Mais quelque chose clochait, et cela n’avait rien à voir avec son apparence elle était en fait d’une nervosité extrême. Elle décida donc de se verser un petit gin tonic, une boisson qu’elle réservait aux occasions spéciales et à laquelle elle ne touchait pratiquement jamais, lesdites occasions étant rares. Toutefois, si ce bal n’en faisait pas partie, elle se demandait bien quels devraient en être les critères Elle but son verre d’une seule gorgée et s’en prépara immédiatement un autre. Elle ressentit presque aussitôt une chaleur réconfortante dans tout son corps et un bienêtre encourageant l’envahir. Elle appela un taxi avant de se dégonfler. Le chauffeur klaxonna devant sa porte, quelques minutes plus tard. Pendant le trajet, Laurence tenta de libérer son esprit de toutes les questions qui la hantaient. Peutêtre seraitelle déçue, qui sait «Mais il est difficile d’être déçue quand on n’a aucune idée de ce qui nous attend», songeatelle pour la millième fois. Très rapidement – trop, pensatelle – le chauffeur s’arrêta à l’adresse qu’elle lui avait formulée. Devant elle se dressait un bâtiment ordinaire qui ne laissait rien présager des activités qui pouvaient y avoir lieu. Brique rouge, aucune enseigne. Elle vérifia le carton d’invitation, s’assurant d’avoir le bon numéro. C’était bien là, pourtant… Elle paya distraitement le chauffeur, en proie à une soudaine panique. Et si on ne la laissait pas entrer Elle devrait peutêtre marcher jusqu’à une rue plus passante, les voitures se faisant très rares ici. «Oh, et puis tant pis, ça suffit, maintenant», se ditelle en serrant les poings. Elle s’en faisait sans doute pour rien, et de toute façon, il était trop tard pour reculer. Ses craintes s’avérèrent non fondées. De toute évidence, la discrétion qu’on attendait des visiteurs valait aussi pour les hôtes de l’événement. Elle entra dans le bâtiment sans difficulté, et un homme masqué vint aussitôt à sa rencontre. — Bienvenue Puisje voir votre invitation, s’il vous plaît. Laurence lui tendit le carton d’une main qui tremblait légèrement. L’étranger la remercia et lui prit doucement le bras pour la conduire à la salle des festivités, avant de s’éclipser. Elle resta plantée là pendant ce qui lui parut une éternité avant de reprendre ses esprits, quand elle réalisa qu’elle avait arrêté de respirer. Son cerveau eut cependant besoin de quelques bonnes minutes pour absorber ce que ses yeux lui projetaient. Même ses pensées les plus folles n’arrivaient effectivement pas à adoucir la scène qui se déroulait devant elle. Une foule d’étrangers évoluaient sur une vaste piste de danse, se frottant lascivement les uns contre les autres au son d’une musique lancinante. L’éclairage tamisé rendait l’atmosphère encore plus surréaliste. L’immense pièce avait été décorée afin de ressembler à un château médiéval. Les murs de pierre étaient recouverts de tapisseries anciennes, et d’énormes torches y étaient accrochées çà et là, plongeant la pièce dans une lumière ambrée et mouvante qui semblait aussi vivante que les danseurs. «Voici les flammes de l’enfer dans lequel je vais brûler pour l’éternité, sans aucun doute», se dit Laurence en inspirant profondément. À quelques mètres d’elle, des hommes et des femmes se mouvaient. Quelquesuns étaient nus d’autres vêtus d’accoutrements plus bizarres les uns que les autres la plupart, enfin, habillés de vêtements aussi ordinaires que les siens. Qu’avaient donc tous ces gens en commun Aucun visage n’était visible, et aucun corps n’était bien loin d’un autre. Des coussins moelleux avaient été disposés le long des murs et, dans de petites alcôves où des couples de toute nature s’ébattaient plus ou moins discrètement sans provoquer la moindre réaction du reste des convives. Très peu d’entre eux, cependant, faisaient carrément l’amour, se contentant la plupart du temps de caresses de plus en plus soutenues. Après quelques minutes d’observation, Laurence remarqua que les couples prenaient le temps de se séduire. Chacun paraissait chercher le ou la partenaire idéale selon des critères qui excluaient à peu près toutes les exigences normales, à l’exception du désir que dégageaient les corps. Parfois, un de ces mêmes corps semblait avoir trouvé une personne à la hauteur de ses sens le couple nouvellement formé se caressait alors discrètement, s’explorant mutuellement. Si le désir montait comme ils le désiraient, ils se réfugiaient alors dans un coin et disparaissaient pratiquement de la vue de l’assemblée. S’ils ne se plaisaient pas suffisamment, par contre, chacun partait de son côté, à la recherche de l’homme ou de la femme inconnus qui lui procureraient ce qu’il souhaitait trouver. Rien ne paraissait frénétique, forcé ou déplaisant. On semblait respecter le désir de chacun de prendre le temps de découvrir ce qu’il était venu chercher, le laissant libre de butiner. Une sorte de politesse et de civisme presque palpables flottaient dans l’air, chacun semblant veiller à la satisfaction de l’autre. Laurence était fascinée. Qui se cachait derrière tous ces masques Des hommes d’affaires Des ouvriers Des mères de famille Des professionnelles Peu importait, en fait, ici, car tous avaient le même statut, le même souhait. Des vases d’argent disséminés un peu partout contenaient des condoms de toutes sortes les gens allaient librement en chercher, venaient parfois les choisir avec leur partenaire. De petites stations éparses avaient également été installées dans la pièce. On y trouvait des verres et de grands récipients qui semblaient contenir du punch, de l’eau glacée et diverses boissons dont chacun se servait à volonté. Laurence retira l’écharpe qui lui recouvrait les cheveux, la noua négligemment autour de sa taille et se dirigea lentement vers une des cruches. Sa gorge reconnaissante avala le délicieux philtre qui s’y trouvait, ce qui lui permit de prendre un dernier répit avant de décider si, oui ou non, elle se joindrait à la fête. Elle n’attendit pas bien longtemps. En effet, elle allait se verser un autre verre quand une main douce comme du velours lui chatouilla le cou. Elle ne bougea pas un muscle, refusant de se retourner. Elle accueillit néanmoins cette caresse de bon cœur, car cela lui évitait d’avoir à faire les premiers pas de briser la glace, en quelque sorte. La main remonta dans sa chevelure, effleura ses oreilles, dessina chacune de ses courbes d’un doigt habile. Étaitce une main de femme Ou bien celle d’un homme «De femme, sans doute», se ditelle. Un homme savaitil en effet être si doux Elle ferma les yeux et s’abandonna à cette caresse. La main, encouragée, descendit le long de son dos, lui encercla la taille et vint doucement flatter son ventre, tandis que des lèvres touchèrent son cou. Une bouffée de chaleur monta soudainement à la tête de Laurence, qui se retourna enfin, affrontant l’insolent – mais ô combien attirant – personnage. Une femme se tenait devant elle, la dépassant d’une bonne tête grâce à des chaussures aux talons vertigineux. Une chevelure d’ébène cascadait sur ses épaules, effleurant ses hanches. Laurence rougit furieusement, flattée et confuse. Des yeux sombres la fixaient à travers un loup orné de paillettes multicolores. Ils semblaient s’harmoniser au sourire tendre qui se dessinait sur les lèvres de l’étrangère. Celleci paraissait attendre un signe de la part de Laurence, qui bredouilla — Je ne… je n’ai jamais… — Vous venez d’arriver, je crois. Je vous laisse faire le tour. Peutêtre se verraton plus tard — Oui, peutêtre. Laurence ne pouvait nier que les caresses prodiguées par cette femme superbe l’avaient troublée. Mais elle n’était pas venue ici pour connaître les joies qu’une femme pourrait lui apporter. Oh que non Elle avait bien d’autres expériences à faire auparavant. Forte de cette décision, Laurence osa enfin se rendre sur la piste de danse. Des corps s’y mouvaient lentement, laissant les vagues de musique les transporter dans des poses parfois provocantes, parfois lascives. Laurence, pour qui la danse n’était pas coutumière, se laissa enfin aller, timidement au début, puis de manière plus confiante, grisée par ce monde nouveau qui l’entourait. Elle fit abstraction de ses préjugés, de toutes ses attentes, laissant enfin son corps et son esprit savourer le moment présent. Elle aperçut bientôt un homme qui dansait seul et s’approchait lentement d’elle. Il était de taille moyenne, portait un jean, une camisole noire et un tout petit masque lui cachant à peine les yeux. Ses longs cheveux étaient retenus par une queue de cheval. Il dégageait une certaine arrogance et une maîtrise de lui qui déplurent immédiatement à Laurence. Mais il était déjà tout près d’elle, alors il était trop tard pour fuir. — Tu me veux demandatil de manière très directe. — Je ne sais pas… Je viens juste d’arriver. — Allez… avoue, tu me veux. Joignant le geste à la parole, il lui saisit sans ménagement les seins, puis les fesses, plaquant son corps contre celui de Laurence en plaçant rudement un genou entre ses jambes pour lui faire écarter les cuisses. Paniquée, Laurence se raidit d’un seul coup. Elle ne savait pas du tout quoi faire. Heureusement, un homme à la carrure athlétique fit soudain son apparition, repoussant l’intrus de façon polie, mais convaincante. — Merci… Je ne suis pas vraiment habituée à ce genre de comportement. — Il n’a pas sa place ici. C’est probablement un type qui est entré avec une invitation adressée à quelqu’un d’autre… Malheureusement, ce sont des choses que nous ne pouvons éviter. Désirezvous que je vous laisse — Non, Non, au contraire… L’inconnu était vêtu d’une chemise toute simple et d’un pantalon ample retenu par une fine ceinture de cuir. Il plaça les mains de Laurence autour de sa taille, qu’elle palpa d’une main légère et hésitante, avant de se laisser aller à parcourir ce corps ferme et ce dos ciselé. Ses mains coururent le long des côtes de l’homme, explorant chaque muscle qui s’offrait à elles, du cou massif aux fesses rebondies. Laurence apprécia ce qu’elle touchait. Elle aurait même bien voulu voir le visage de son partenaire, mais il était entièrement recouvert d’un masque de feutre, et non d’un simple loup qui aurait permis de distinguer ses traits… Laurence tenta donc de glisser ses doigts sous le masque, afin de sentir la mâchoire et les lèvres de l’inconnu, mais celuici lui saisit le poignet, doucement mais fermement. Il happa ensuite son autre poignet et les joignit derrière sa nuque, où elle put au moins caresser de doux cheveux bouclés. Les mains puissantes de l’homme descendirent au même instant le long de son corps, effleurant au passage la courbe de ses seins, sa taille et ses fesses. Il se fit rapidement plus insistant, la soulevant presque de terre, massant son dos et pétrissant ses fesses d’un toucher à la fois énergique, passionné et délicat. — Viens…, murmuratil. Laurence le suivit sans sourciller dans une des alcôves, convaincue qu’il était maintenant trop tard pour reculer. L’homme la souleva alors complètement, réussissant à l’asseoir sur une saillie du mur. Elle entoura la taille de l’inconnu de ses jambes, écrasant son corps frémissant contre la poitrine chaude et invitante de son partenaire. Elle aimait son parfum, appréciait son toucher, ses mains sur elle. Elle eut néanmoins le besoin pressant de l’embrasser, de regarder son visage. — Enlève ton masque, soufflatelle. — C’est le but de cette soirée… préserver l’anonymat. Je ne peux pas l’enlever… — Mais je veux t’embrasser, voir ton visage — Tu l’auras voulu… L’homme retira son masque… mais un large bandeau noir lui recouvrait les yeux et le front Il avait donc prévu le coup… mais pas elle, qui grimaça d’étonnement. Une importante cicatrice parcourait sa joue droite, débutant sous le bandeau visàvis de l’œil, traversant la lèvre et se terminant à l’extrémité gauche du menton. Certain que cette image lui déplaisait, l’inconnu se prépara à la quitter. Laurence le sentit et se dépêcha d’embrasser la balafre, laissant sa langue la parcourir, avant de s’arrêter sur les lèvres de l’homme, puis de l’embrasser à pleine bouche. La jeune femme lui mordilla ensuite le cou et les lèvres, buvant son odeur comme si elle était assoiffée. Les mains de l’inconnu s’emparèrent alors de la robe de la jeune femme, puis glissèrent sur son dos afin de dégrafer son soutiengorge. Il découvrit enfin ses seins, qu’il embrassa fougueusement. Puis son cou, sa bouche, ses yeux. Laurence était toujours perchée sur la saillie du mur. Dans son dos, de la pierre éraflait sa peau alors que, sur son ventre, le sexe gonflé de l’homme se faisait impétueux. Il la souleva une autre fois, remonta sa robe sur ses hanches et fit descendre sa culotte d’une main habile. Laurence se retrouva presque entièrement nue, sa robe chiffonnée autour de la taille constituant le dernier vestige de sa trop longue abstinence. L’inconnu la déposa alors sur les coussins, retira son pantalon et explora ses cuisses de ses mains expertes. Laurence put à peine réprimer un petit cri. En effet, elle sentait son sexe ruisseler et une douleur sourde lui envahir le ventre. Quand l’homme déposa sa langue chaude sur son clitoris sans prévenir, elle jouit d’un seul coup, sans pouvoir ni vouloir se retenir. Son corps trembla tant que l’homme s’en rendit compte et lécha goulûment la sève chaude qui s’échappait d’elle. Sa main prit aussitôt le relais, massant cette peau qui désirait tant être caressée. Et Laurence se laissa aller à cette douce étreinte, la tête renversée sur les coussins. C’est là qu’elle la vit. La femme qu’elle avait rencontrée au début de la soirée se tenait discrètement dans un coin de l’alcôve, observant attentivement les deux amants. D’un geste lent, en s’assurant que Laurence la distinguait, elle glissa une de ses longues mains entre ses cuisses, laissant les doigts fins de son autre main se perdre dans la douce chevelure de la jeune femme. Tandis que l’homme continuait à pénétrer Laurence de ses doigts hardis, l’étrangère s’approcha et prit place au niveau de la tête de Laurence. Elle lui effleura doucement les seins, puis les lécha de ses lèvres écarlates. Cellesci se refermèrent sur les pointes bien dressées des petits seins de Laurence, laissant sur leur passage des traces de rouge à lèvres foncé tout autour des mamelons. Puis, elles glissèrent le long de sa gorge, jusqu’à sa bouche offerte. Complice, l’homme se retira et laissa l’étrangère se placer audessus de Laurence, puis frotter ses énormes seins contre les siens. Les sueurs des deux femmes se mêlèrent, de même que leurs odeurs. La jambe de l’étrangère écarta les cuisses de Laurence, laissant leurs sexes se frotter l’un contre l’autre, leurs sèves intimes séparées seulement par le mince tissu de la robe de l’inconnue. Puis, lentement, l’inconnue embrassa le ventre et les hanches de Laurence, jusqu’à ce que sa langue vienne enfin goûter son sexe bouillant de désir. Laurence protesta faiblement. Elle n’était pas venue ici pour faire l’amour à une femme, après tout… C’était l’homme qu’elle voulait avec tant d’ardeur La femme le sentit et lui dit — Ne crains rien, il sera bientôt à toi… Sur ces mots, ses doigts écartèrent les lèvres gonflées de Laurence, découvrirent le petit bouton bien exposé et s’en emparèrent. Par mouvements circulaires des doigts, puis de la langue, l’étrangère fit frémir, puis jouir Laurence avant de disparaître soudainement dans un nuage de soie. L’homme, quant à lui, ne s’était pas du tout offusqué de s’être fait voler la vedette. Il avait observé d’un air gourmand le spectacle offert par les deux femmes glissant l’une sur l’autre, leurs deux corps emmêlés. Laurence était bien un peu confuse du plaisir qu’elle venait de ressentir contre toute attente, mais elle sourit à l’homme, qui semblait attendre un geste de sa part pour revenir vers elle. Il reprit donc sa place et lui procura, des doigts et des lèvres, de nouvelles sensations exquises. Laurence n’était plus qu’un immense sexe, moite et gonflé, se repaissant, se gavant de ces caresses tant attendues. Toute logique, toute rationalité l’avaient quittée. Elle n’était plus qu’un corps auquel des étrangers prodiguaient des soins indescriptibles. Sa gorge était sèche, et des larmes de bonheur coulaient discrètement de ses yeux embués. Elle sentit très vite une nouvelle vague la soulever, balayant toute trace de lucidité sur son passage, puis la dévaster, la posséder et l’élever dans un orgasme bouleversant. Avant même que son corps ne se soit calmé, l’homme la releva et la déposa de nouveau contre la saillie du mur, puis s’enfonça complètement en elle, achevant de la combler. Elle se sentit emportée par son membre immense. L’étaitil vraiment, cependant Elle n’aurait su le dire, ses références personnelles étant trop peu nombreuses. Elle sentait seulement qu’il était dur comme fer, telle une lance ondulant en elle. Chaque assaut de son amant faisait cogner son dos contre le mur de pierre, meurtrissant délicieusement sa peau. L’homme la possédait entièrement, allant et venant en elle de tout son corps, tendrement, puis plus brutalement. Quand il jouit à son tour, un ultime frisson la secoua et elle retomba sans force dans ses bras, molle comme une poupée de chiffon. Son partenaire la coucha délicatement sur les coussins de velours. Elle glissa dans une douce léthargie pendant quelques instants. Mais quand elle rouvrit les yeux, son bel inconnu avait disparu. Elle était de nouveau seule. Laurence voulut retenir en elle ce sentiment de détachement, cet abrutissement. Mais déjà, ce corps solide lui manquait. Elle avait tant attendu, en désirait tellement plus Elle se rhabilla rapidement, les jambes chancelantes, et partit à la recherche de son amant. Étaitil déjà avec quelqu’un d’autre N’étaientils pas censés dire quelque chose Tenter de se revoir, peutêtre Elle parcourut la salle une première fois sans le voir. Elle se servit ensuite un verre d’un geste incertain et tenta encore de le trouver. Mais il semblait s’être volatilisé. Elle fit alors le tour de toutes les alcôves avec une urgence de plus en plus grande, essayant, malgré le sentiment de panique qui l’habitait, de se faire discrète. Parmi tous les couples enlacés – hommesfemmes, femmesfemmes, hommeshommes –, il n’était nulle part. Elle hésita. Devaitelle rester encore un peu dans l’espoir de le voir réapparaître Ou risquer de l’apercevoir avec quelqu’un d’autre et détruire ce qui deviendrait, sans doute, un précieux souvenir En désespoir de cause, Laurence ravala sa frustration et quelques larmes, puis se dirigea vers la sortie. — Vous aimeriez un taxi, Madame s’enquit un homme derrière le comptoir. — Oui, ce serait gentil, merci. C’était le même homme qui l’avait accueillie à son arrivée. Il se retourna vers le téléphone derrière lui, ce qui permit à Laurence de remarquer le petit ordinateur portatif et la clé USB qui traînait tout près. Elle ne prit même pas la peine de songer à ce qu’elle faisait et s’empara, d’un geste rapide et furtif, de la clé, identifiée «Invités». Une fraction de seconde plus tard, l’homme se retourna et lui assura que le taxi arriverait d’un moment à l’autre. Elle le remercia, affirmant qu’elle irait l’attendre à l’extérieur, et s’enfuit dans la nuit. Cela dura un mois. Chaque fois qu’elle sortait, Laurence cherchait un homme arborant une longue cicatrice sur le visage. Elle croyait le voir partout, et pourtant, ce n’était jamais lui. Sa quête devenait une hantise, un délire. Elle accostait de parfaits étrangers dans la rue simplement parce que, de dos, ils avaient la même carrure que celui qu’elle cherchait avec tant d’urgence. Cette nuitlà l’avait complètement transformée. Comment pourraitelle jamais recommencer à vivre comme avant Elle devait impérativement connaître à nouveau ces sensations, avec lui ou avec quelqu’un d’autre. Mais avec lui, de préférence… Elle réalisait bien que l’amplitude de son plaisir venait probablement, en grande partie, du fait qu’elle ne savait rien de cet homme. Mais une petite voix lui murmurait sans cesse, telle une idée fixe, que c’était lui et personne d’autre qu’elle devait revoir. Pas juste un homme, lui et lui seulement. Toutefois, peutêtre étaitil marié ou vivaitil dans une autre ville Ces pensées la hantaient. Et cette damnée clé qui ne lui avait rien appris… Elle avait été aussi étonnée de son contenu que de l’audace dont elle avait fait preuve. La clé contenait effectivement la liste de tous les invités, mais comment Laurence pourraitelle retrouver un homme dont elle ignorait même le nom Une liste de personnes lui était en ce sens tout à fait inutile. Si au moins elle avait eu un indice… un prénom, quelque chose Elle aurait toujours pu se présenter chez chaque homme de la liste… mais sans un solide subterfuge, elle n’aurait jamais le courage de le faire. Après un mois d’insomnie et de désirs inassouvis, Laurence était désespérée. Ce fut alors que, subtilement, l’idée germa dans sa tête. Elle cogita pendant plusieurs jours, pesant le pour et le contre de cette initiative, avant d’en arriver à la certitude que c’était le seul et le meilleur moyen de parvenir à ses fins. Sans plus attendre, Laurence mit donc son plan à exécution, étape par étape. Elle avait tout d’abord des recherches à faire pour dénicher le site idéal, qu’elle finit par trouver. Ensuite, pour l’étape cruciale de son plan, elle prit un jour de congé – son travail avait pourtant déjà assez souffert, ces dernières semaines – et mit finalement son projet au point. Quelques jours plus tard, aux quatre coins de la ville, une centaine de personnes reçurent un joli carton d’invitation, sur lequel était écrit Vous qui avez contribué à faire de notre premier bal masqué un succès inespéré, Vous qui vous êtes joint à nous auparavant dans la recherche des plaisirs interdits, Vous qui savez aborder vos désirs et vos passions, Vous qui appréciez la discrétion de nos explorations…