Download Free Audio of Léa regarda son compagnon de voyage d’un œil m... - Woord

Read Aloud the Text Content

This audio was created by Woord's Text to Speech service by content creators from all around the world.


Text Content or SSML code:

Léa regarda son compagnon de voyage d’un œil misceptique, miétonné. — Tu es vraiment sérieux, n’estce pas — Tout à fait. — Tu me laisses y penser — Pas trop longtemps… Elle réfléchit, tentant de s’imaginer le scénario. «Hum… ça serait toujours possible», conclutelle, avant d’acquiescer d’un petit signe de la tête. Elle repensa à la semaine qu’ils venaient de passer ensemble. Léa s’était rendue au Mexique pour des raisons professionnelles. Comme elle était libre toute la journée et n’avait à se rendre à son travail qu’autour de vingtdeux heures, elle passait ses journées sous le soleil resplendissant, laissant sa peau en boire les chauds rayons. L’homme s’était manifesté le troisième jour de son séjour. Au début, elle avait cru qu’il souffrait réellement. Elle avait vu sur la plage un coureur solitaire, le corps plié en deux, qui avait les mains appuyées sur les genoux et les yeux fermés, tentant visiblement de calmer la douleur qu’il ressentait. Peutêtre étaitil victime d’une crampe ou d’un quelconque malaise Elle s’était donc approchée rapidement de lui pour lui venir en aide — Hé Ça va avaitelle demandé en français, n’osant pas se ridiculiser dans un espagnol incompréhensible. Il l’avait alors regardée droit dans les yeux en arborant un sourire éclatant, avant de déclarer — Et vous parlez français, en plus Perplexe, elle prit quelques secondes pour se rendre compte de la supercherie. Feignant l’agacement, elle s’exclama — Ce n’est pas drôle Moi qui croyais que vous étiez mal en point — Pas le moins du monde, mais vous devez bien convenir que c’est une approche originale Le sourire innocent de l’inconnu était irrésistible. Semblable à celui d’un petit garçon pris en faute, mais qui sait que son méfait n’est pas bien grave et qu’on le lui pardonnera sans le punir. Et, effectivement, Léa ne lui en tint pas rancune. Il faut dire qu’il était bel homme… Grand et musclé, sans toutefois paraître gonflé, il exhibait un bronzage superbe qu’accentuait la mince couche de sueur faisant luire sa peau. Ses cheveux étaient d’un noir de jais, et comme tout vacancier ou séducteur averti qui se respecte, il ne s’était pas rasé depuis au moins deux jours, laissant traîner un ombrage accentué sur son visage aux traits magnifiquement sculptés. Des yeux de la même couleur que l’océan alentour complétaient ce portrait flatteur. L’homme exsudait une sensualité palpable. — Vous ne vous sauverez pas, si je vais me baigner un instant demandatil. Elle répondit d’un hochement de la tête et l’homme, après avoir retiré sa camisole, se précipita dans les chaudes vagues de l’océan Pacifique. Après quelques brasses énergiques et autant de plongeons dans l’écume, il ressortit enfin. Léa était retournée sur sa chaise longue. — Vous êtes arrivée avanthier, ditil tout de go, encore ruisselant d’eau. — Ça ne ressemble pas à une question. — Non, je vous ai vue arriver. Nous sommes descendus au même hôtel. Vous allez rester longtemps — Seulement une semaine. Mais je ne suis pas vraiment en vacances, je suis ici pour mon travail. — Un bon travail, alors — Le meilleur — Et qu’estce que vous faites Elle s’était attendue à cette question, qui finissait toujours par faire partie du cours normal de la conversation. Mais elle n’avait nullement l’intention de révéler à cet adonis la nature de son gagnepain Il se confondrait en effet sans doute en excuses, avant de s’éloigner rapidement. Les hommes le faisaient tous, du moins ceux qui semblaient les plus intéressants. Aussi, réponditelle — Je suis mannequin pour un couturier de Montréal. Je fais des défilés pour certains clients. Ce n’est pas aussi excitant ou prestigieux que de faire de la photo, mais c’est agréable, même si je travaille surtout en soirée. Et ça me permet de voyager. Ce n’était pas si loin de la vérité. Elle faisait effectivement des défilés, mais ce n’était pas du tout pour un couturier, bien au contraire En fait, Léa était une effeuilleuse, et elle adorait son métier. Malheureusement, et c’était là son seul regret, certaines de ses collègues donnaient à sa profession une image plutôt vulgaire. Il est vrai que la plupart d’entre elles ne le faisaient pas dans les mêmes conditions ni pour les mêmes raisons que Léa. Elle, elle dansait par passion. Pour des raisons aussi pratiques, bien sûr, parce que c’était un travail extrêmement bien rémunéré, que les horaires de travail étaient souples et qu’elle pouvait beaucoup voyager. Mais avant toute chose, la jeune femme satisfaisait en dansant un besoin primordial celui de dévoiler ses charmes à un public d’admirateurs. La première fois qu’elle avait dansé, elle était étudiante. Elle s’était laissé entraîner dans un pari stupide. Certains de ses camarades s’étaient effectivement rendus dans un bar de danseuses et les avaient mises au défi, trois de ses amies et elle, de monter sur scène et de retirer leurs vêtements. La somme du pari avait augmenté au même rythme que le désir des garçons de voir leurs consœurs se déshabiller devant eux. Quelques minutes plus tard, l’enjeu était devenu fort intéressant pour une étudiante sans revenus. Mais Léa s’était vite rendu compte que, même sans l’appât du gain, elle aurait sans doute tout fait pour monter sur cette petite scène devant ses amis. Quelque chose d’indéfinissable l’attirait, même si elle n’y avait jamais pensé avant. C’était comme si elle était attirée par un aimant. Ses compagnes s’étant finalement désistées, il n’était plus resté qu’elle pour relever le défi. Après avoir fini son verre d’un trait, elle était montée sur scène d’un air décidé, sous les regards amusés de ses compagnons. Ceuxci étaient persuadés qu’elle ne ferait sur place qu’un petit tour rapide, retirerait en partie ses vêtements puis disparaîtrait, une fois la blague terminée. Aussi, quelle n’avait pas été leur surprise quand elle s’était installée, immobile, au milieu de la scène, les jambes bien plantées sur le sol À la première mesure de la chanson qu’elle avait choisie, elle avait retiré ses chaussures à la seconde, sa chemise. Puis, elle avait passé le reste du morceau à enlever un par un ses vêtements, jusqu’à ce qu’elle soit complètement nue. Elle avait alors compris qu’elle était dans son élément. Elle avait tout de suite remarqué les regards s’attarder sur son corps et en avait éprouvé un plaisir puissant, comme si ces yeux étaient des mains en train de la caresser. Elle pouvait sentir chaque parcelle de sa peau exposée vibrer sous la force de ces regards. Elle aurait presque juré avoir été réellement touchée. Ce premier soir, en l’espace de quelques minutes, elle était devenue aussi excitée que si ses quatre compagnons lui avaient fait l’amour l’un après l’autre. Malheureusement, les filles ne lui avaient plus adressé la parole après cette aventure. Les garçons, de leur côté, avaient tous tenté de sortir avec elle, dans l’espoir de récolter un spectacle gratuit et exclusif. Mais elle s’était bien juré que jamais elle ne permettrait à l’un de ses spectateurs de la toucher après l’avoir vue danser. Cela aurait détruit l’illusion de rêve dans laquelle elle était plongée durant sa performance. Elle adorait provoquer cette sensation de désir tangible chez les hommes et, parfois, chez les femmes. Tous ces regards braqués sur elle la faisaient frémir de plaisir, et elle se donnait en retour corps et âme pour les combler. Elle se savait belle elle savait qu’on la désirait, que rares étaient les hommes qui n’auraient pas tout donné pour lui faire l’amour. Mais c’était un ultime plaisir qu’elle refusait par principe. Jamais elle n’avait passé une nuit avec un client. Il fallait, pour qu’elle puisse continuer à jouir de son travail, qu’elle demeure totalement inaccessible pour ses spectateurs. Qu’elle ne soit qu’un fantasme, un mirage. Elle pouvait ainsi se glisser dans la peau de n’importe qui, qu’il s’agisse d’une reine ou d’une vedette de cinéma. «Regardez mais vous ne pourrez jamais toucher», faisaitelle comprendre à son public en ondulant devant eux. Bref, elle était très heureuse de son métier. Celuici lui avait pourtant attiré des ennuis. Certaines personnes, découvrant ce qu’elle faisait, se détachaient d’elle aussitôt, ne percevant pas ce travail comme valorisant ou convenable. Et assurément, les femmes et les petites amies des hommes qui assistaient à ses performances d’effeuillage la détestaient aveuglément. Mais comme elle n’avait jamais été confrontée à l’une d’elles, cela ne la perturbait pas beaucoup. Toutefois, afin de préserver son anonymat, elle travaillait toujours à une certaine distance de chez elle, refusant obstinément les contrats près de son domicile. Comme elle avait finalement réussi à séparer son travail de sa vie sociale, elle tenait en effet à préserver cette frontière. Donc, la réplique de «mannequin pour un couturier de Montréal» passait, en général, assez bien. Cette foisci encore, d’ailleurs, l’homme n’insista pas. — Et vous, vous êtes en vacances demandatelle. — Oui… Il me reste une semaine de séjour avant de retourner à Montréal. C’est là que vous habitez — Oui. Enfin, en banlieue. — Il me semble vous avoir déjà vue quelque part… — Vous savez, Montréal est une bien grande ville… Ils restèrent silencieux quelques instants. Puis, comme s’il se souvenait de quelque chose d’important, l’homme se leva et, d’une mine presque solennelle, dit — Je m’excuse de ne pas l’avoir fait auparavant. Je m’appelle Vincent. Je suis un célibataire de trentequatre ans et je meurs d’envie de t’inviter à dîner. À quelle heure doistu partir travailler — Pas avant vingtetune heures. Si tu acceptes de dîner tôt, je serai ravie de t’accompagner. Et moi, c’est Léa, en passant. — Pas de problème. On se retrouve dans le hall de l’hôtel vers dixsept heures Le tutoiement était venu tout naturellement, sans que l’un ou l’autre s’en soient rendu compte. À l’évidence, ils se plaisaient. Son invitation en poche, Vincent, visiblement heureux, adressa encore une fois à Léa son merveilleux sourire. — Bon, je vais continuer à courir… sans m’arrêter, cette foisci. À plus tard Elle le regarda partir, un étrange sentiment au creux de l’estomac. Cet homme lui plaisait vraiment beaucoup. Léa partit rejoindre Vincent à l’heure prévue. Elle avait revêtu sa plus belle robe, de couleur blanche pour faire ressortir son teint déjà doré, et avait pris un soin méticuleux à se coiffer et à se maquiller. Elle était mannequin, après tout, alors autant le paraître Vincent parut apprécier ses efforts. Il se leva du fauteuil en l’apercevant, un sifflement admiratif aux lèvres. Lui aussi, d’ailleurs, avait dû se donner un peu de peine. Ou étaitce son charme naturel Léa ne le savait pas, mais elle avait beaucoup de plaisir à regarder son bel inconnu rasé de près et qui dégageait une odeur enivrante, quoique discrète. Il ne lui demanda pas où elle désirait aller, se contentant de la guider jusqu’à sa voiture de location, une décapotable sportive garée devant la porte de l’hôtel. — C’est pour mieux draguer, lançatil en lui faisant un petit clin d’œil complice. — Eh bien, j’imagine que je ne suis pas la première femme à monter dans cette voiture depuis que tu es ici — Non, mais certainement la plus belle Il lui ouvrit la portière et la referma une fois que son invitée fut bien assise. Après avoir pris place derrière le volant, il lui demanda si elle appréciait les fruits de mer. Devant le signe évident d’approbation de Léa, il démarra. Le trajet se fit dans la bonne humeur, agrémenté d’un bavardage léger et fluide. Les deux touristes arrivèrent devant un petit restaurant qui ne payait pas de mine. Mais Léa reconnut, à son enseigne, un de ceux dont on parlait dans les brochures et qui avait acquis une excellente réputation. Ils prirent place à une petite table, sur la terrasse presque déserte. Comme Vincent paraissait connaître l’endroit, Léa lui laissa le soin de commander ce que bon lui semblait. Il s’exprimait dans un espagnol presque impeccable, et ce qu’il choisit paraissait suffisant pour nourrir une armée. La conversation était animée et joyeuse. Léa ne pouvait s’empêcher d’admirer le jeune homme devant elle. Il était vraiment magnifique. Mais en plus – ce qui ne gâchait rien –, il était drôle, intelligent et pouvait discuter d’à peu près n’importe quel sujet. Elle avait appris qu’il possédait sa propre agence de relations publiques, qu’il venait en vacances au même endroit depuis quatre ans et qu’il n’avait jamais été marié ou significativement impliqué dans une relation. Il attendait en fait la femme idéale… La soirée se déroula extrêmement bien, mais aussi beaucoup trop rapidement. Pour la première fois depuis très longtemps, Léa n’avait pas envie d’aller travailler. Du moins, en auraitelle retardé l’échéance. Elle voulait passer le reste de la soirée – et, qui sait, peutêtre aussi la nuit – en compagnie de cet homme qu’elle avait l’impression de connaître depuis de nombreuses années, en dépit de leur récente rencontre. Toutefois, en s’imaginant les regards fiévreux glisser sur son corps dénudé dans peu de temps, elle eut un petit frisson d’anticipation et de plaisir. Après avoir porté un regard discret sur sa montre, elle s’aperçut qu’elle devrait bientôt quitter son chevalier servant. Et pas question qu’il la dépose quelque part Un aveu aurait pu tout gâcher… Vincent, de son côté, savait bien que Léa devait partir, mais il aurait ô combien désiré que cette soirée soit éternelle Peutêtre pourraitil la voir plus tard — À quelle heure terminestu ta soirée demandatil doucement. — Oh Vers les deux heures du matin. Mon patron a loué une salle de réception, et la soirée finira sans doute très tard. — C’est dommage, je serais allé te chercher pour un dernier verre. — Je ne serai sûrement pas de retour à l’hôtel avant les trois heures… Je suis désolée, j’aurais bien aimé ne pas devoir partir. La soirée a été magnifique — Je suis tout à fait d’accord. C’est la plus belle que j’aie passée depuis trop longtemps. Eh bien, il faudra donc recommencer demain soir, alors — Ou même avant, si tu en as envie Je me lève assez tôt. — Parfait Je déjeunerai donc sur la terrasse de l’hôtel vers dix heures, demain matin. Tu y seras — Absolument Ils quittèrent la table à contrecœur et se dirigèrent vers la sortie. En lui prenant délicatement le bras, il la guida vers la voiture. — Écoute, je vais prendre un taxi, ditelle. — Pas question — Non, je t’assure. Je dois me rendre à l’autre bout de la ville, c’est un voyage inutile. J’insiste. — Bon… pour cette foisci, ça ira. Sur ces mots, il l’attira dans ses bras et, sans qu’elle pût l’en empêcher – elle n’en avait d’ailleurs pas la moindre envie –, il l’embrassa avec une telle fougue qu’elle se sentit ramollir d’un seul coup. Il y avait dans ce baiser tant de promesses Ce corps ferme et viril la rendait folle, et son odeur l’étourdissait. Elle se dégagea doucement et chuchota à l’oreille de Vincent — Je penserai à toi toute la soirée… — Et moi, toute la nuit… Écoute, je ne me suis pas senti comme ça depuis longtemps. Je suis déjà fou de toi Il déposa de nouveau ses tendres lèvres sur celles de la jeune femme. Après une étreinte qui leur sembla durer une éternité et qui provoqua chez chacun d’eux un désir incandescent, ils réussirent tant bien que mal à se séparer. Vincent s’engouffra dans le restaurant et fit appeler un taxi pour son invitée. Il retourna ensuite près d’elle, lui prit la main. Ils attendirent en silence. Quand un vieux taxi s’arrêta près d’eux, il l’y fit monter, lui donna un dernier baiser brûlant et la regarda s’éloigner, déçu. Tout au long du trajet, Léa ne put s’empêcher de se demander si cet homme l’accepterait telle qu’elle était. Lui qui semblait si sensible aux belles choses et aux bonnes manières, à la douceur et à la délicatesse d’une femme, serait sans doute horrifié de connaître sa destination pour le reste de la soirée… Elle arriva à son lieu de travail avec seulement quelques minutes d’avance. Elle courut se préparer pour son premier numéro. Elle n’arrivait pas à se débarrasser de l’image obsédante de Vincent, de la douceur de ses lèvres, de l’ardeur de ses baisers. Comme sur un nuage, elle monta sur la petite scène et commença sa première danse. Le bar était bondé. Il s’y trouvait très peu de Mexicains, surtout des hommes d’affaires et des touristes américains. C’était un endroit assez chic, où la clientèle avait plutôt bon ton. On lui avait affirmé que les esclandres et les gestes déplacés étaient rares, ici. Aussi, Léa se sentaitelle en toute confiance. Elle s’avança sur scène, vêtue d’un soutiengorge orné de paillettes et d’un cachesexe assorti, perchée sur des talons aiguilles. Son corps gracieux se mit à se mouvoir au rythme de la musique. Graduellement, elle devint la déesse qu’elle incarnait chaque fois, pour le plus grand plaisir de son public. Ses gestes devinrent de plus en plus langoureux, son corps s’appliquant à se faire admirer, désirer. L’auditoire se fit complaisant chaque homme la contemplant avec une certaine lueur dans le regard. Elle, elle ne demandait qu’à être possédée, dévorée. Ses longues jambes s’écartaient, s’étiraient à n’en plus finir, dévoilant la blondeur de sa toison presque rase. Elle retira enfin son soutiengorge, laissant sa longue chevelure caresser son dos et ses seins, les chatouillant délicieusement. Elle n’avait toutefois que Vincent en tête. Elle l’aurait voulu à ses côtés, l’admirant fiévreusement. Pour tous ceux qui se trouvaient devant elle, elle ne serait jamais qu’un rêve. Vincent les éclipsait tous. Elle imaginait les mains de ce dernier parcourant son corps, massant ses seins généreux, écartant ses cuisses entre lesquelles son sexe bouillant l’espérait tant. À la fin de son numéro, Léa quitta la scène promptement, comme au sortir d’un rêve. Puis, elle se réfugia dans les toilettes. À peine après avoir repris haleine, elle ne put s’empêcher de s’imaginer Vincent. Sa danse l’avait tellement excitée, tous les regards alentour galvanisant son désir, qu’elle n’eut qu’à tendre sa main droite entre ses jambes et à frotter son sexe humide quelques secondes avant de jouir dans un soupir. Le lendemain matin, elle se rendit sur la terrasse à l’heure convenue. Vincent l’attendait déjà sur place, un verre de jus d’orange posé devant lui. Il se leva à son arrivée, le visage illuminé par son incomparable sourire. Léa n’avait de son côté pas aussi bonne mine. Elle avait eu beaucoup de peine à s’endormir, rêvassant au corps de Vincent tout près d’elle dans son lit, puis sur elle, puis en elle… Elle avait presque battu un record de masturbation avant de s’arrêter, plus frustrée que jamais. Mais en le voyant là, resplendissant sous le soleil du matin, elle retrouva instantanément sa bonne humeur. Craignant que la façon dont ils s’étaient quittés la veille ne cause une certaine gêne, et désirant surtout réaffirmer ses intentions, Vincent ne lui laissa pas le temps de s’asseoir. Il la prit dans ses bras et l’embrassa avec autant de conviction que la veille. Elle se retint difficilement de lui proposer de déjeuner dans sa chambre, s’accrochant aux marques de profond respect qu’il lui avait témoignées et qui semblaient lui interdire de précipiter les choses. Ils mangèrent presque en silence, leur sourire en disant long sur leur état d’âme. Après un copieux repas, ils se dirigèrent, d’un commun accord, vers la plage invitante. Vincent savait tout faire il l’initierait aux joies de la plongée sousmarine, de la voile et du parachute. Il avait des aptitudes naturelles pour tout ce qui était physique. Léa était presque impatiente d’en vérifier l’étendue. Mais Vincent ne semblait pas pressé. Elle lui aurait proposé depuis longtemps une petite sieste, mais s’était retenue. S’il souhaitait la faire languir, elle pourrait en faire autant, après tout. Ils se baignèrent, s’éclaboussèrent et s’amusèrent comme des enfants. Vers quinze heures, exténués, ils eurent envie de faire une petite sieste, mais elle ne fut pas du genre de celle que Léa avait espérée. Ils convinrent effectivement de se retrouver de nouveau vers dixsept heures pour l’apéro, puis pour dîner quelque part. Il était définitivement plus difficile à corrompre que les autres hommes auxquels Léa était habituée. «Comme c’est rafraîchissant», se ditelle, tout émoustillée. L’alcool lui montait à la tête. Léa avait l’impression de friser l’obsession. Quand Vincent lui parlait, elle examinait sa mâchoire et ses dents, et quand il bougeait, elle admirait le jeu de ses muscles sous sa peau bronzée. Il semblait faire la même chose, toutefois. Ils agissaient comme s’ils avaient été seuls au monde. Ils dînèrent de hamburgers et de frites, copieusement arrosés de plusieurs margaritas. Quand Léa dut partir, elle était presque ivre, tout comme Vincent. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle n’eut pas trop de peine à le convaincre de la laisser prendre à nouveau un taxi. La randonnée dans le véhicule bringuebalant ne parvint pas tout à fait à la dessaouler. Mais comme l’effet n’était, somme toute, pas déplaisant, elle commanda un autre verre en arrivant au bar où elle dansait et partit se préparer. Elle monta donc sur scène un peu éméchée, mais son état n’était pas entièrement attribuable à l’alcool. Elle se sentait en fait si bien que son corps dansait de luimême, sans qu’elle ait à lui dicter quoi que ce soit. Tout ce qu’elle voulait, en vérité, c’était Vincent. Il faudrait bien qu’elle lui parle de son travail, même si elle était de plus en plus certaine que jamais il n’accepterait que la femme de sa vie ait une telle occupation. Quelque chose dans son regard – l’air de quelqu’un habitué à contrôler les situations et à ne pas s’en laisser imposer, peutêtre – lui indiquait qu’il était possible que, cette foisci, elle doive choisir entre cet homme et son métier. Mais elle chassa bien vite cette idée de sa tête, se contentant de savourer le moment présent. Ce soirlà, plusieurs hommes la firent danser à leur table, payant grassement cette faveur. Elle dansa même pour un couple d’amoureux, qui semblèrent se délecter du spectacle. Elle appréciait ces danses privées, qui lui permettaient de s’approcher dangereusement près de la limite qu’elle s’était fixée. Elle pouvait ainsi regarder ces gens dans les yeux, deviner leurs secrets et leurs fantasmes, même si c’était bien sûr à sens unique. Elle conservait en tout temps un visage de marbre, le sourire aux lèvres en un mot, l’image même d’une déesse inaccessible. Quand elle dansait pour un homme seul ou à la table d’un groupe, elle pensait à Vincent. Combien auraitelle aimé lui montrer cette facette d’ellemême Mais c’était impossible. À moins qu’il ne la déçoive irrémédiablement au cours des prochains jours, elle était déjà follement amoureuse de lui et appréhendait le moment de vérité qui l’attendait. Elle était convaincue qu’il ne comprendrait pas qu’elle avait ce travail tout en menant une vie simple et saine, sans la moindre trace des différents vices accolés à ce métier. Et il était tellement difficile d’expliquer cela à quelqu’un de l’extérieur Mais cet homme semblait présenter tant de promesses… Plus elle le connaissait, plus elle lui trouvait de points communs avec le prince charmant qu’elle cherchait depuis toujours. Se pouvaitil qu’elle ait enfin trouvé quelqu’un pour qui elle renoncerait à son métier À ce plaisir qui avait pris tant d’importance dans sa vie Elle verrait bien où les choses la mèneraient. Quand elle rentra, ce soirlà, Vincent l’attendait. Le bar de l’hôtel étant fermé pour la nuit, il était assis sur un des fauteuils meublant le hall et semblait s’être assoupi. Mais quand il la vit franchir la grande porte d’entrée, il se leva d’un d’un bond, parcourut la distance qui les séparait en deux enjambées et la prit dans ses bras. — Je… il fallait absolument que je te voie. Ne lui laissant pas le temps de répondre, il écrasa presque douloureusement sa bouche contre celle de Léa. Puis, en la tirant par la main, il l’entraîna vers l’ascenseur. Le regard porté droit devant lui en attendant que la cabine arrive à leur niveau, il avait l’air de faire de grands efforts pour se concentrer. Quand les portes s’ouvrirent enfin avec un petit bruit de glissement pneumatique, il saisit de nouveau Léa et la poussa doucement dans la cabine. Elle arrêta sa course dos au mur de l’élévateur. Vincent se serra aussitôt contre elle et, en prenant son visage et ses cheveux entre ses mains, il l’embrassa avec ardeur. Pressant son corps tourmenté contre le sien, il lui fit sentir sans équivoque à quel point il la désirait. Ses mains caressèrent enfin le corps de Léa, découvrant ses courbes avec délice. Les portes se rouvrirent au quatrième étage. Sans un mot, il l’emmena rapidement jusqu’à sa chambre, dont il ouvrit la porte frénétiquement. En un instant, ils se retrouvèrent tous deux nus, haletants, muets de désir. Pour ne pas gaspiller de secondes supplémentaires pour se rendre jusqu’au lit, ils s’étendirent sur l’épaisse moquette, et Vincent pénétra immédiatement sa conquête, sans prévenir. Immobilisée sous lui, Léa avait de la peine à respirer, mais son désir était si intense que cela n’avait aucune importance. Elle l’entoura de ses longues jambes, le forçant à entrer en elle avec plus de vigueur, l’aspirant au plus profond de son corps. Puis, elle le fit rouler sur luimême, pour se retrouver audessus de lui, afin de lui imposer à la fois son désir, sa bouche insatiable et son sexe conquérant, qui serra sa proie phallique de plus en plus étroitement. Les deux amants s’embrassèrent comme s’ils avaient attendu des années pour accomplir ce simple geste, joignant leur langue et leur salive, chacun explorant la bouche de l’autre dans un assaut presque désespéré. Vincent pénétrait sa maîtresse avec force, sans répit, aidé par les hanches Léa qui se plaquaient contre les siennes pour donner à ses mouvements encore plus d’ampleur et de profondeur. Le souffle court, ils sentirent la jouissance imminente et se séparèrent un instant, avant de replonger l’un dans l’autre, à la conquête de leurs corps plus que consentants. Ne pouvant retarder leur plaisir une fois de plus, ils jouirent presque en même temps, Vincent inondant sa compagne en silence. Ils restèrent ainsi jusqu’au moment où, presque endormis, ils se relevèrent péniblement, se rendirent jusqu’au lit et s’y laissèrent tomber avec bonheur, avant de s’assoupir. Quelques heures plus tard, Léa fut réveillée par une délicieuse sensation. Ce qu’elle devina être une langue dessinait des figures abstraites sur son dos, descendait au creux de ses reins, chatouillait tendrement ses fesses. Vincent lui massa la tête, emmêlant entre ses doigts la soie de ses cheveux. Doucement, il retourna sa maîtresse sur le dos, afin de pouvoir lécher l’avant de son corps. De ses oreilles, il glissa le long de son cou, puis s’attarda à chacun de ses seins avant d’atteindre son ventre. Il lui embrassa de baisers légers, presque furtifs, les cuisses, les genoux, les chevilles, les pieds. Léa gisait, immobile, profitant pleinement de ces admirables caresses. Quand Vincent lui écarta enfin les jambes et insinua sa langue en elle, le corps de la jeune femme sursauta faiblement avant de céder au plaisir. Vincent faisait à présent montre d’une patience à l’opposé de leurs premiers ébats. Il mordilla Léa avec douceur, heureux de l’entendre soupirer. D’un geste tendre, il écarta délicatement les lèvres gonflées de son sexe, pour pouvoir accéder plus facilement à l’endroit le plus vulnérable de son corps. Il y darda ensuite une langue pointue, agaçant la chair déjà sensible de Léa. Elle, elle nageait en pleine jouissance, le corps et l’esprit éthérés. Des milliers de petites étincelles semblaient l’animer, la faire vibrer. Des doigts remplacèrent bientôt la langue de l’homme, s’insinuant profondément en elle, la faisant haleter de plaisir. Puis, la langue adroite reprit ses caresses tandis que la main, toujours plus profondément en elle, la meurtrissait toujours délicieusement. Une main qui put très vite sentir le sexe de Léa palpiter d’un plaisir violent. Vincent se décida alors enfin à glisser sur elle, puis en elle, s’enfonçant aisément dans le sexe humide de sa compagne, prolongeant la caresse d’un frottement précis entre les lèvres ouvertes de la jeune femme, ce qui lui arracha de nouveaux gémissements. Léa se sentit fondre comme neige au soleil. Son amant l’emplissait. Il s’insinuait lentement et profondément, laissant son membre se rendre de luimême jusqu’aux tréfonds de son corps. Comme si cet organe, si dur et si gonflé, faisait partie intégrante d’ellemême. Leur souffle s’accéléra peu à peu, chacun s’adaptant aisément à la cadence de l’autre dans une danse lascive. En s’appuyant contre la tête du lit, Vincent fit asseoir Léa sur lui, ramenant les seins de sa partenaire jusqu’à ses lèvres ouvertes. Cette dernière flotta sur lui, n’obéissant qu’aux bras de l’homme sous ses hanches qui dictait la cadence grâce à son membre. Les yeux plongés dans ceux de Léa, Vincent permit à sa main de retourner fouiller l’entrecuisse de sa compagne, de saisir ce sexe qui ne demandait qu’à jouir de nouveau. À son simple toucher, Léa explosa et, quand Vincent retint son souffle juste avant de jouir, elle fut plus persuadée que jamais d’être follement amoureuse. Elle ne voulait plus le quitter. Jamais. Ils passèrent le reste de la semaine ainsi, lovés l’un contre l’autre. Ils firent l’amour du matin au soir, ne s’interrompant, à l’occasion, que pour profiter du soleil ou d’une baignade rapide dans l’océan tiède. Le soir venu, ils marchaient sur la grève, cherchant l’endroit propice pour donner libre cours à leur désir. Le dernier soir, Vincent emmena Léa au sommet d’une falaise surplombant la baie. L’air était doux et fragrant, l’herbe soyeuse. Ils voulaient tous deux conserver de cette dernière soirée au Mexique un souvenir indélébile. Ils se dévêtirent donc lentement, exposant leur peau nue aux rayons de la lune et à la brise délicieuse. À genoux l’un devant l’autre, les gestes empreints de tendresse comme pour une prière, ils se firent jouir mutuellement, silencieusement. Puis, étendus sous la voûte parsemée d’étoiles, ils firent l’amour une dernière fois en terre mexicaine. Ils s’endormirent ainsi, enlacés et repus, ne rouvrant l’œil qu’au lever du soleil. Vincent avait fait modifier son billet d’avion, car il voulait absolument rentrer par le même vol que Léa. Une fois le changement effectué, il était passé par la chambre de sa compagne et avait frappé discrètement à sa porte. — Dis, on peut parler — Bien sûr Tout ce que tu veux Léa devint cajoleuse, tentant de l’attirer vers le lit. — Non, écoute. C’est sérieux. Elle crut voir un nuage se profiler à l’horizon et ressentit immédiatement de la crainte. Elle prit cependant place sans rien dire sur un des fauteuils, puis ne bougea plus, attentive. — Léa, la semaine que je viens de passer avec toi a été extraordinaire. — … mais — Mais Il n’y a pas de mais, voyons Je voulais juste te demander si, une fois de retour à Montréal, nous pourrions continuer à nous voir. Je veux dire, juste nous deux, seuls. Je serais incapable de supporter qu’un autre homme te touche ou te regarde… Alors, si tu as quelqu’un d’autre dans ta vie ou si tu n’es pas prête à m’accorder cela, dislemoi, je t’en supplie. Sans hésitation, Léa se leva et se faufila entre les bras de son amoureux. Mais l’angoisse la tenaillait malgré tout. Elle avait cru qu’il désirait lui parler d’une autre femme à Montréal dont elle aurait dû accepter l’existence. Non sans verser quelques larmes, c’était certain, mais elle aurait fini par s’y faire. Parce que là, au moins, cela aurait été lui, le salaud, dans cette histoire. Il lui fallait toutefois se rendre à l’évidence. Cet homme lui plaisait terriblement été lui, le salaud, dans cette histoire. Il lui fallait toutefois se rendre à l’évidence. Cet homme lui plaisait terriblement et, tôt ou tard, elle devrait lui avouer la vraie nature de son métier. Mais comment expliquer à l’homme qu’on aime que l’on danse devant des gens strictement pour le plaisir Elle ne se droguait pas et n’avait pas de problèmes financiers, contrairement aux clichés répandus au sujet des danseuses. C’était l’inverse, en fait Elle dansait plutôt pour son propre plaisir, pour le sentiment de puissance et de confiance qu’elle y puisait. Néanmoins, comment avouer à l’homme de sa vie qu’on a besoin de se savoir dévorée du regard, de sentir le désir des autres pour avoir soimême du plaisir Elle choisit de remettre cette révélation à plus tard. D’ailleurs, au cours de cette semaine où elle avait appris à le connaître, elle avait compris que jamais il n’accepterait qu’elle poursuive son métier comme elle l’avait fait jusqu’à maintenant. Cette façon qu’il avait de se montrer presque possessif… Elle trouverait bien le bon moment pour tout lui avouer, ou encore une solution. Ils quittèrent enfin l’hôtel pour se rendre à l’aéroport. Après les formalités d’usage, ils se retrouvèrent confortablement calés dans leurs sièges. Le décollage s’était effectué en douceur, et comme il s’agissait d’un vol direct, ils auraient amplement le temps de regarder un film, de lire ou même de dormir un peu. Mais dès que l’appareil eut atteint son altitude de croisière, Vincent débuta ses avances. — J’ai tellement envie de toi… — Moi aussi. Si tu veux, en arrivant à Montréal, tu n’auras qu’à venir directement chez moi. J’ai quelques jours de congé, de toute façon… — Mais j’ai envie de toi tout de suite Il glissa sa main droite sous la petite tablette abaissée devant elle, puis sous sa courte jupe. Léa sentit aussitôt son désir s’affirmer. La main s’insinua sous sa culotte et trouva rapidement ce qu’elle cherchait l’endroit était déjà bien humide. Il inséra presque brutalement un doigt en elle. La jeune femme était cependant prête à l’accueillir. Vincent s’empara alors discrètement d’une des mains de sa compagne pour lui permettre de juger son propre désir. — Allons dans les toilettes…, soufflatil. Léa regarda son compagnon de voyage d’un œil misceptique, miétonné. — Tu es vraiment sérieux, n’estce pas — Tout à fait. — Tu me laisses y penser — Pas trop longtemps… Elle réfléchit, tentant de s’imaginer le scénario. «Hum… ça serait toujours possible», conclutelle, avant d’acquiescer d’un petit signe de la tête. — Patientons au moins jusqu’à ce que les agents de bord débutent leur tournée…, ajoutatelle discrètement. Ils profitèrent dans l’attente de la présence de la tablette pour se caresser avec plus d’ardeur. Quand l’agent de bord vint leur demander s’ils voulaient quelque chose à boire, Vincent n’eut que le temps de recouvrir de sa veste son entrejambe gonflé et de retirer sa main inopportune. Dès que l’agent de bord les quitta, Vincent se leva et embrassa Léa sur la joue en lui demandant de l’accompagner. Le couple se dirigea vers l’arrière de l’appareil. Par chance, les toilettes étaient inoccupées. Léa laissa son amoureux prendre de l’avance et s’engouffrer dans l’une des étroites cabines, décidant une fois pour toutes de chasser ses dernières réserves et de le suivre. Quand elle pénétra dans les toilettes, Vincent, appuyé contre le minuscule lavabo, prit soin de bien verrouiller la porte derrière elle et l’accueillit à bras ouverts. Leur étreinte devint tout de suite passionnée, tous deux retrouvant les sensations vécues tout au long de la semaine précédente. La cabine était assez étroite, mais ils n’avaient pas l’intention de s’en plaindre. Ils voulaient d’ailleurs être aussi près l’un de l’autre que possible. Après avoir relevé sa jupe sur ses hanches et changé de place avec son compagnon, Léa réussit, tant bien que mal, à s’asseoir sur le petit comptoir. Les robinets s’enfonçaient douloureusement dans ses fesses, laissant s’écouler un jet tiède, mais l’inconfort fut de courte durée. Sans s’étendre en préliminaires, Vincent baissa en effet son pantalon, saisit les hanches offertes et s’enfonça entre les cuisses bien écartées de sa compagne. Tel qu’ils s’y attendaient, quelqu’un frappa à la porte. — Les gens ne savent pas lire le mot «Occupé» demandatelle, un peu inquiète. — Ne t’en fais pas, il y a d’autres toilettes… — Mais comment vaton s’y prendre pour sortir Les gens vont savoir ce que nous aurons fait — Et alors Ils ne peuvent pas nous jeter hors de l’appareil Vincent coupa court aux objections de Léa en écrasant ses lèvres contre les siennes. Puis, il se retira, s’agenouilla devant elle et embrassa sa toison cuivrée et ruisselante. Elle cessa immédiatement de protester et se laissa bercer par les mouvements de la langue de son amant. Les vibrations de l’appareil, ainsi que quelques turbulences le rendaient un peu maladroit, éloignant sa bouche un instant pour la projeter de nouveau sur elle. Quand il la sentit près de jouir, il se releva et s’enfouit en elle, glissant aisément le plus loin possible dans son corps. Léa poussa un petit cri, camouflé par les incessants cliquetis de la cabine. Ses jambes entourant le corps de Vincent, elle le guidait en elle avec une fougue impatiente, ne pouvant s’empêcher de mordre son cou puissant. En s’avançant à l’extrême bord du lavabo, elle put appuyer ses pieds sur la cloison située de l’autre côté de la cabine, facilitant du même coup les mouvements de son amant. Chaque coup que ce dernier lui prodiguait projetait la tête de Léa contre le mur du petit habitacle. Mais elle semblait ne pas le réaliser, tout occupée qu’elle était à savourer son plaisir. Le souffle de Vincent s’accéléra soudain, et elle sentit venir sa propre jouissance. Elle libéra un véritable torrent, précédant de peu son amant. Ils restèrent dans les bras l’un de l’autre pendant quelques instants, puis tentèrent de remettre un peu d’ordre dans leur tenue. Elle avait les joues roses et les yeux brillants lui, le souffle rauque et les cheveux en bataille. Ils convinrent que la meilleure façon de faire serait sans doute de sortir en même temps et de regagner leur siège en arborant un air innocent. Mais dès qu’ils ouvrirent la porte, une dame âgée leur lança un regard chargé de mépris. Deux jeunes hommes assis à la dernière rangée, adjacente au mur de la cabine dans laquelle ils s’étaient réfugiés, leur firent toutefois un petit signe de la main, le pouce bien levé en signe d’approbation. Léa rougit furieusement, tandis que Vincent se contenta de sourire. Le reste du voyage se déroula sans histoire. En arrivant à Montréal, ils se réfugièrent quelques jours chez Léa, puis quelques autres chez Vincent. Il devenait clair qu’ils ne se lassaient pas l’un de l’autre, loin de là. À la fin de la semaine, au moment où Léa s’apprêtait à reprendre son travail, elle sut qu’elle devait lui parler de son métier, des raisons pour lesquelles elle le pratiquait. Elle vécut trois jours dans l’angoisse, se demandant comment son amoureux allait réagir à son aveu. Elle avait tellement peur que ces quelques mots changent leur relation Elle hésita longtemps, tergiversa, repoussa l’échéance. Finalement déterminée, elle décida que le lendemain soir, la veille de son retour au travail, serait le bon. Comme Vincent était sorti, elle consacra cette journée aux préparatifs. Elle voulait que la mise en scène soit parfaite champagne, repas gastronomique, musique douce… Tout d’abord, elle lui déclarerait à quel point il était devenu important pour elle. Elle lui indiquerait ensuite qu’elle n’avait pas été totalement honnête envers lui, ce qui la troublait profondément. Et comme elle avait envie d’une relation stable et exclusive avec lui, il lui fallait être la plus honnête possible. Voilà Il ne pourrait pas lui en vouloir, avec une telle entrée en matière Ensuite, elle enchaînerait sur le fait que ce métier d’effeuilleuse, qu’elle pratiquait maintenant depuis quelques années, la remplissait de bonheur. Mais qu’elle serait prête à l’abandonner, s’il était vraiment incapable de l’accepter. Cette dernière phrase la torturait, mais elle devait se rendre à l’évidence elle était prête à abandonner son métier pour lui. Il représentait un avenir assez prometteur pour qu’elle accepte ce sacrifice. Et s’il advenait qu’il fasse ce choix, elle se débrouillerait pour trouver quelque chose d’aussi satisfaisant, quitte à retourner aux études. De toute manière, ses moyens financiers, plus que confortables, lui permettraient de prendre son temps… Vincent serait certainement heureux qu’elle lui fasse suffisamment confiance pour tout lui avouer. Alors, pourquoi étaitelle encore morte d’inquiétude Parce qu’elle avait vu, à plusieurs reprises, dans les yeux de gens qu’elle aimait et respectait, ce mépris indiscutable à l’annonce de son métier. Et ce mépris, elle ne pourrait l’endurer venant de lui. Tout, mais pas ça Elle tenta de se persuader qu’il ne pourrait pas réagir de la sorte, qu’il avait l’esprit ouvert et n’était sûrement pas assez puritain pour la condamner. Mais seraitce vraiment sa réaction Elle s’en tordait les mains d’anxiété. Car de tous les scénarios possibles, celuilà serait le pire. Elle pourrait supporter la rupture ou un changement de métier. Mais de voir dans les yeux de l’homme qu’on aime que celuici nous méprise, ce serait trop pour elle… Enfin… Il était trop tard pour changer d’idée, Vincent serait là d’une minute à l’autre. Léa arpentait l’appartement de manière presque obsessive, à en user le tapis. Il était en retard. C’était bien le moment Elle lui avait pourtant bien indiqué que ce soir était très important, qu’elle avait quelque chose de capital à discuter avec lui. Pourquoi alors étaitil en retard Afin de se calmer, Léa alluma le téléviseur et syntonisa le bulletin d’informations de dixhuit heures. L’animateur annonçait justement les manchettes du jour «Vol à main armée dans une succursale de la Banque Royale.» «Importante saisie de drogues à l’aéroport de Toronto.» «Arrestation d’un individu recherché depuis trois mois par la police de Montréal.» Elle écouta, d’une oreille distraite, les deux premières histoires. À la troisième, son cœur cessa de battre. Une photographie de Vincent occupait l’écran, tandis que l’animateur affirmait «Vincent Lavoie, trentequatre ans, a été appréhendé aujourd’hui après trois mois de recherches intensives au Mexique et au Canada. L’individu comparaîtra au palais de justice sous plusieurs chefs d’accusation. Des charges allant du simple proxénétisme à l’opération d’une maison de débauche seront portées contre lui. Il a été aperçu récemment à l’aéroport de Montréal. C’est ainsi que la police a pu retrouver sa trace…» Léa n’en croyait pas ses oreilles. Elle siffla entre ses dents «Et moi qui craignais que mon secret ne gâche tout»