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1935 A bord de l’Orsova Le 20 Avril 1935 Chère Adrienne, cher Tanis, C’est sur le pont devant la grande bleue que je viens vous raconter les premiers débuts de mon voyage. Nous avons quitté la maison de Sainte Foy ,jeudi soir, pour prendre le rapide à 11h et demi qui nous amenait à Toulon sur les 6h40 du matin . Nous étions accompagnées de notre Mère économe et une Dame amie est venue nous attendre à la gare pour nous conduire à l'Externat chez les Pères Maristes . Là , nous avons pu assister à une Messe et Communion . Tout de suite après ,un Père est venu nous chercher pour nous emmener déjeuner, après avoir passé la nuit dans le train nous avions très bon appétit et puis nous nous sentions en famille et tout à fait à l’aise. Après déjeuner on nous a fait visiter un peu la maison puis nous sommes allées faire un tour vers le port. Nous pensions aussi pouvoir faire connaissance avec l’Orsova , mais nous avons dû y renoncer , il nous aurait fallu donner 8fr pour chaque personne pour ne pas embarquer tout de suite , alors, après nous être occupé de formalités à remplir nous avons ou plutôt les Pères ont bien voulu se charger de faire porter nos malles et valises, puis nous sommes revenu à l’Externat pour le dîner. Alors, dans l’après-midi ,comme nous avions une visite à faire nous sommes retourné au port, afin de prendre un petit bateau qui devait nous conduire chez d’autres Pères Maristes . C’est là , pendant ce court trajet ,une demi-heure à peu près que nous nous sommes essayé à voir si nous avions le pied marin . Le ciel était d’azur , la mer très belle, toute moirée de bleu et de blanc ,et ce qui était intéressant c’était de voir tous les bateaux, du plus petit canot au grand croiseur qui attendent là , se balançant joliment au gré des flots . Nous regardions de tous nos yeux ce joli spectacle , de la rade ,le coup d'oeil est merveilleux Sur le quai, une foule de gens circulent, à Toulon on en voit de toutes sortes . Il y a beaucoup d’étrangers , nous avons vu deux superbes Spahis dans leur grand manteau rouge très fiers . Chez les Pères , à la Seine , après avoir visité un peu le collège le plus grand de France à ce qu’ils disent (nous y avons rencontré le Père de Fenoyls qui nous a prêché la Retraite de Profession) et il a absolument voulu que nous emportions une boîte de chocolat, il nous traite un peu comme des enfants. Nous sommes retourné au port, Il était 4h . C’était l’heure d’aller s’embarquer. Comme le bateau était assez loin en mer , il nous a fallu en prendre un petit pour nous y rendre. Ruavatu 31 octobre 1935 de Sœur Marie Sylvia Cher Monsieur, chère Madame , Permettez moi d'ajouter cette lettre à celle de Sœur Marie Loyola . Cela vous fera plaisir et vous prouvera que votre petite fille tout en se trouvant dans sa Mission respective des Salomon , se trouve par ce fait même … en famille . C’est le 31 octobre 35 que Sœur Marie Loyola est arrivée à Ruavatu et je suis persuadée qu’elle sera heureuse et reconnaissante à Dieu, à la Vierge Marie pour cette place de choix … Je dis place de choix … humainement parlant, les consolations n’y abondent pas . Le contraire, le champ à défricher est plutôt dur, et en fait de sauvages nous sommes ici bien partagé …Mais n’est ce pas le rêve de tout Missionnaire ! L’essentiel c’est de faire de son mieux, aidé de la grâce, pour essayer d’obtenir le salut éternel de ces chères âmes qui nous sont confiées. Ruavatu est la Station fondée en 1920 par notre Vicaire Apostolique actuel Monseigneur Aubin jean -Marie . En 1933 il fut remplacé par le R.Père Gratton du Diocèse de Nantes également. Nos chrétiens sont de 350 environ et tout le reste est Païen ou Protestant, tous amis les uns les autres ce qui engendre une apathie et une indifférence loin d’être favorable à la Religion cependant le bien s’y fait quand même nous l’espérons . Nous semons .. d’autres récolteront.A notre école nous avons 17 filles seulement , c’est peu , un petit noyau et Sœur Marie Loyola peut vous dire que nos petites nous sont toutes dévouées . Excusez cette liberté que j’ai prise en vous écrivant , mais je tenais à vous assurer de mon dévouement à l’égard de votre chère enfant.Que le bon Dieu vous obtienne les grâces promises au centuple pour ce grand Sacrifice que vous avez fait et tout en priant pour le succès de la vie Missionnaire de Sœur Marie Loyola , ayez aussi la charité de prier aussi pour moi . Veuillez cher monsieur et chère madame agréer mes sentiments religieux . Ruavatu, le 4/11/35 Mes bien chers Drienne, Tanis. C’est à la Sœur toujours ouverte à la communication que j’ai confié cette fois tout ce que j’aurais aimé vous dire . Je pensais toujours pouvoir vous écrire un petit mot en cours de route , mais je suis restée trop souvent étendue sur la chaise longue . J’ai fait la paresseuse , voyez-vous . Vous ne m’en voudrez pas trop j’espère , sans que ma plume ait été vous le dire , vous savez combien je pense à vous , et ensuite je n’ai pu avec les dérangements multiples , avant le départ du courrier , qui partait quelques jours après notre arrivée à Visale. Il me fallait attendre le prochain … c’est à dire 6 semaines .. comme nous ne devions pas rester longtemps à Visale , les sœurs ont voulu nous faire visiter le pays , et alors impossible de se mettre à écrire . Mais j’espère que « chez nous » on aura pas trop tardé à vous passer ma lettre . Vous avez dû recevoir celle envoyée de Sydney. Sautant de branche en branche , les pauvres oiseaux que nous sommes ont enfin trouvé leur nid établi , demeure dans un site merveilleux . Fini les beaux voyages , me voila un peu « chez nous » car c’est Ruavatu qui devient ma Mission respective . Une nouvelle vie va commencer . Un Père et deux Sœurs sont venus me conduire . Nous sommes arrivés ici le matin . Juste comme les enfants sortaient de la Messe, et j’aurais voulu que vous voyez toute cette petite bande nous entourer , leurs brunes petites mains tendues pour un grand « ch » « poignée de main » et ce qui m’a le plus amusé c’est de voir les garçons se pencher et me baiser la main . Puis, relevant la tête me regardaient de leurs grands yeux curieux. N’est ce pas qu’ils ont des manières distinguées nos petits Salomonais !… les petites ont chanté un petit chant de bienvenue pour la « Vululi sisita » « la nouvelle petite sœur » Je me trouve ici avec un Père et une Sœur . Le Père Gratton que vous avez vu à son dernier voyage en France , et Sœur Marie Sylvia de Chateaubriand . Elle est très bonne et très gentille , vraiment maternelle. Pour le moment nous ne sommes que toutes deux, la Sœur qui était avec elle ( Nantaise aussi ) m’attendait pour pouvoir partir à Sydney , se reposer un peu. Repos bien mérité après bientôt 25 ans passés en Mission . Vous voyez que l’on peut vivre longtemps dans nos Salomon car, la Divine Providence protège ses Missionnaires et la Sainte Vierge l’étoile de la mer à qui nous sommes spécialement consacrées et la petite Thérèse sont nos puissants protecteurs et veillent sur nous. Vous voulez connaître mon nouveau pays , celui où je vivrai désormais. Tout de suite il m’a plu. J’ai été très agréablement surprise par la merveilleuse beauté du paysage. Ruavatu passe pour la plus jolie Station du Vicariat. Du rivage, plusieurs étroits petits sentiers entre les grands arbres conduisent à une large et magnifique allée aussi large que nos grandes routes , bordée de magnifiques palmiers et de superbes rangées de cocotiers , aux silhouettes gracieuses et à la cime élancée dont les larges feuilles forment un délicieux ombrage . Ce fond sombre se détachant de l’ombre des grands arbres est ravissant . Dieu est bon , voyez pour dédommager ses Missionnaires du sacrifice de ce qu'ils ont de plus cher au monde , il multiplie sous leurs pas toutes les beautés de la nature. De l’autre côté de l’allée un peu en arrière , outre les rangées de cocotiers plusieurs petits toits roses et blancs se détachent au milieu de toute cette verdure . Ce sont : la maison des Pères, celle des garçons, le dortoir, un peu plus loin : c’est l'église , puis de l’autre côté la maison des Sœurs , le dortoir des filles , deux ou trois petites pièces : les stores , pièce ou l’on range les provisions . L’église est placée juste au milieu entre celle des Pères et des Sœurs . Elle est assez jolie , deux petits autels de chaque côté , une grande statue du Sacré Cœur , une de la Petite Therese, d’un côté et de l’autre Saint Joseph . C’est moi qui ait le soin de l’église pour le moment . Jeudi , jour de la Toussaint , j’ai pensé à Marie, à Constant, à tes parents, j’ai prié avec toi Tanis , que c’est consolant cette pensée de la Communion des Saints . Ils sont tout près de nous . Et comme ils doivent prier et protéger ceux qu’ils ont tant aimés ici-bas , ceux qui sont bien plus près de Dieu. Dans la soirée plusieurs personnes des villages sont venues nous voir , donnant une grande poignée de main à la nouvelle Sœur, quelques-uns venaient voir leurs filles. Nous en avons 15 en ce moment , nous en attendons quelques autres bientôt. Avant-hier je suis allée les conduire aux plantations , ou plutôt ce sont elles qui m’ont conduit . Soeur Mary Sylvia à souvent mal aux jambes et ne pouvait venir . Elles sont vraiment très gentilles , si vous voyez comme elles s’empressent pour me faire plaisir , en route nous avons trouvé des beaux fruits , c’était à qui les aurait cueilli pour les apporter, pelés , prêt à manger . Je riais toute seule , mais je ne comprends rien à leur langage . Il me tarde de connaître leur « charabia » pour leur parler un peu . Jusqu’à maintenant je n’ai pas fait grand chose , je regarde surtout. Il me faut connaître le travail et être initiée. Quand j’ai fini à l’église , je vais faire un tour vers la cuisine , voir la Sœur Sylvia pour apprendre , vous connaissez mes talents de cordon bleu , les bons choux crème que je t’avais servi pendant mes vacances … puis à un autre moment je la regarde faire avec les enfants , quand il nous reste du temps nous faisons un peu de couture . Ainsi les jours passent terriblement vite, mais j’aime mon travail , et déjà mon Ruavatu , une seule chose me manque et c’est vous . C’est même la seule vraie souffrance qui peut compter pour moi , mais le bonheur de nous retrouver tout là-haut vaut bien les plus grands sacrifices. Tanis, tu sais la petite boussole que tu m’avais donné avant de partir , je l’ai montrée à un Père , à qui elle a plu , et comme il me disait en riant qu’il avait bien envie de me la voler , Je lui ai dit qu’il pouvait bien la garder puisque cela lui faisait plaisir, il trouvait qu’elle marchait bien , je lui ai dit que c’était toi qui me l’avait donnée , et lui ai demandé alors de prier un peu pour toi . Tu ne perds rien , vois-tu . Que devenez-vous ? Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu de nouvelles . Pas depuis juillet, toi Drienne, et toi mon Tanis seulement depuis mars dernier , j’espère en avoir un .. avoir un bon paquet au prochain courrier . Vous devez commencer à sentir le froid , c’est l’hiver à nouveau , vous n’avez pas pris la grippe au moins. Et ton chandail Tanis , y penses-tu ? Je t’assure que je n’aurai jamais une idée pareille , ici on transpire toute la journée , c’est la plus mauvaise saison en ce moment , malgré cela , je me sens très bien . Mais il me faut tout laisser pour écrire à Marie sans cela , je risque de ne plus en avoir le temps . Je n’ai plus de ses nouvelles non plus depuis juillet . Alors au-revoir . Bonne fête de Noël ! Bonne année et le Paradis à la fin de vos jours .. ce sont les vœux que nous nous adressions autrefois . Je n’en trouve pas de meilleurs. Je vous embrasse avec toute ma grande affection de petite sœur .Monsieur Levesque est-il déjà parti? Sinon , voulez vous lui dire mon affectueux souvenir . Georgette Décembre 1935 Mes bien chers tous deux, Ah , me voici enfin en possession de tout votre courrier. Toute ma joie est inutile : je voulais deviner les premières qui sont probablement arrivées dès le soir ou le lendemain de mon départ de Wellington, mais trop tard et vous savez que , si on manque son train dans ce pays, on ne le rattrape plus car le prochain n’est pas dès le lendemain . L’année dernière, c’étaient elles qui m'attendaient , cette fois, c’est mon tour, mais je n’ai pas été moins contente de les lire. Ici, au contraire, le père nous les a données le samedi soir et le lendemain dimanche j’ai pu les relire plus à loisir, avec le même plaisir que si elle datait de la veille, pourtant des semaines, et même des mois se sont passés depuis. J’aime à vous retrouver dans votre calme et tranquille petite vie, bien connue à moi et que j’aimais à venir de temps en temps partager. Rien ne semble bien changé. Pourtant les saisons venant varier un peu vos travaux se succèdent en même temps que les années et nous, chaque jour nous vieillissons un peu sans même nous en apercevoir. À nouveau c’est Noël ! L’hiver, le froid « chez nous » car ici, nous transpirons toute la journée. Ils semblent bien loin nos frileux Noël de France. Vous devez avoir commencé la veillée. Et vos bons vieux vous sont fidèles ? Et le « chaudur » tu y penses Tanis? Ce souvenir a toujours le don de m’amuser pas mal. Tu nous faisais une si drôle de tête parfois. Et toi Drienne? Tu as bien quelques vieilles chaussettes à ravauder? ou encore ton vieux gilet bleu à Tanis , si pratique .… Je te remercie de ton petit bout de lettre , mon Tanis , cela en vaut la peine, car elles sont assez rares aussi . Tu n’es pas étonné je pense, d’être le paresseux ! Et moi, je suis bien à plaindre d’avoir un frère tel que toi, et pourtant que j’aime bien quand même. Mr Levesque est parti, je ne m’attendais pas si tôt . Cela me fait de la peine pour vous, car je le connais assez pour savoir que sous ses dehors, un peu léger, se cache une âme profondément bonne et affectueuse . A personne d’autre, je ne dois autant qu’à lui . J’aurais voulu qu’il reste toujours près de vous, mais la vie est ainsi toute semée d’adieux . Oh que nous serons bien là-haut. En même temps que vos lettres, j’ai eu le plaisir d’en avoir deux de Marie, et une de Manuel, sa photo . Elle est gentille sous son nouveau costume, et moi je suis très fière qu’on ait bien voulu lui donner mon nom . J’ai vu aussi celle de toute la famille. Dieu sait combien j’aurais été heureuse d’être parmi vous alors , à ce moment-là la distance se fait sentir. Et un bon moment je ne pouvais lire tant les larmes m’aveuglaient . Puis bientôt, le devoir est venu me reprendre, car, même le dimanche, les occupations ne manquent pas, et je suis très heureuse . Malgré tout, soyez bien sûr , être la collaboratrice du Missionnaire, sentir que l’on fait le bien, il y a de ces joies intimes et profondes que l’on ne changera pas pour tout l’or du monde. Je vous ai cherché sur la photo mais je ne vous ai pas vu. Peut-être étiez-vous déjà parti ? Que vous êtes donc toujours pressé ! Nos enfants sont bien gentilles, je voudrais que vous voyez comme elles sont aux petits soins pour moi. Elles ont même quelquefois de ces petites attentions, qui étonnent. Si elles nous voient porter quelque chose par exemple, tout de suite, elles viennent à nous , disant « donne à moi » et elles nous le prennent. J’ai été un peu surprise d'apprendre que Marcelle était entrée en pension, personne ne m’en ayant jamais parlé auparavant. Emmanuel et Marie P. devaient sans doute éviter d’en parler, et il faut que le désir de Marcelle soit sérieux pour qu’ils se décident à son départ. Je sais trop ce qu’il leur en coûte, et je les comprends . Ils auraient tant voulu la garder près d'eux. Et déjà il leur faut s’en séparer et ils en souffrent. Tout cela j’y ai pensé, et c’est pourquoi, je n’ai pas eu le courage de leur en parler encore moins d’insister. Mais c’est Dieu qui nous mène. Manuel se trompe bien s’il s’imagine que Marie peut chercher à l’influencer, je connais assez ses sentiments pour me les avoir exprimés elle-même . Et je suis bien sûre qu’elle ne fera rien d’autre que prier pour elle et pour eux. Maintenant je vous laisse, je vais écrire aussi un peu « chez nous », mais pas avant de vous embrasser avec toute ma grande affection de petite sœur. Georgette 1936 Souvenir au tonton Benjamin. Je n’ai pas eu de nouvelles de Mr Levesque depuis son départ de Saint Lumine. Je vais tacher de lui écrire au prochain courrier. J’espère qu’il est bien content de son nouveau poste. Ici Noël est une des fêtes à laquelle nos Indigènes s’intéressent et assistent le plus,. Deux ou trois jours avant, nous voyons arriver les jolies petites pirogues. C’étaient les gens des villages les plus éloignés, ils venaient pour la Retraite de trois jours. Le quartier était mouvementé pendant quelques jours et avec cela nous avons eu des visites. C’est nous qui tenons le magasin de confection habillant femmes et enfants. Trois schilling les habits de Femmes et pour les plus petits, les semaines d’avant, nous en avons donner un coup pour préparer tous ces habits… La veille encore , j’en ai préparé trois pour bébé. Oh, ce n’est pas compliqué, mais nous avions aussi à préparer la Crèche et orner l’église, c’est tout un surcroît au moment des fêtes. Tout le monde était content de venir à la Messe de minuit. Nous nous sommes levées seulement à 11h après la Messe. Nous avons été réveillées toutes les deux avec un beau gâteau que nous avaient apportés des Blancs, habitant tout près d’ici. Le lendemain nous avions la messe à 7h. L’église était remplie. Grands et petits ça piaillait presque tout le temps, la marmaille. L’après-midi nous nous sommes promenées un peu , voir les gens des villages, puis vers quatre heure , je suis allée à l’église pour préparer la Bénédiction qui devait clôturer la Retraite. Comme je revenais un peu avant , j’entend toute une discussion vers la Sacristie. J’entre , c’était les petits enfants de cœur qui s’habillaient . Je demande ce qu’il y a , j’avais préparé leurs huit petits habits, chacun le leur. Mais il y en avait deux neufs . Et figurez-vous que c’était a qui les aurais eu . Je suis restée un peu , et la discussion a été finie … pas tout à fait cependant, quelques lestes coups de poings et coups de pieds se lançaient en sourdine. Je prenais mon air le plus sévère, tandis que je me détournais très vite pour cacher un sourire amusé . Enfin le Père est arrivé et je suis partie . Toute la fin de la semaine nous avions eu des allées et venues . Ils ne sont pas pressés de s’en retourner dans leur village. Le jour de l’an non plus nous n’avons pas eu le temps .Toute la journée, nous avons eu quelqu’un. Le matin, nous sommes allés chez les Pères. Puis sont arrivés tous les enfants garçons et filles qui ont défilés devant les Pères et les Sœurs en donnant une poignée de main et disant « bonne année que le bon Dieu te donne une longue vie! » Puis les gens du quartier sont venus à leur tour. Comme étrennes, nous leur avons donné aux uns une image , aux autres des médailles, et du tabac, c’est le plus grand plaisir que l’on peut leur faire. L’après-midi les Pères sont venus à leur tour chez nous. Et nous avons eu aussi la visite des Blancs. La soirée était bien avancée quand tous ont été partis. Et voilà. C’était bien une petite fête de famille, pourtant je n’ai point été sans penser a vous. J’ai prié pour vous. Vous n’en doutez pas, faites aussi quelques fois pour moi, je ne t’ai pas laissé mon chapelet pour des prunes tu sais Tanis . Alors il me faut vous laisser. Je demande à la petite Thérèse qui aimait tant ses sœurs et ses frères , si elle avait eu de me remplacer près de vous et vous consoler quand vous auriez de la peine. Je vous embrasse comme je vous aime. Georgette. Le 12 janvier : Je viens encore une fois vous embrasser avant de donner mes lettres au Père. Le courrier part ce soir. Je vais bien. J’espère que vous n’êtes pas malade non plus malgré la mauvaise saison. Dites-moi quand il y a quelque chose qui ne va pas . A la prochaine si je ne veux ou si je ne peux écrire toujours chez vous et « chez nous », j’écrirai toujours aux uns et aux autres et à Marie. Bien affectueusement votre petite sœur. Lettre 2 : RUAVATU LE 22 Mars 1936 Ma chère Drienne , mon cher Tanis Me voici libre un petit moment ce soir, c’est dimanche, et je viens tout de suite vous trouver. Ce matin après avoir rangé à l’église, on est venu me demander de préparer un Baptême. Je n’en avais pas encore vu ici, et j’ai eu la curiosité d’y rester. C’était un bébé de six à sept mois. Ils ne sont pas pressés voyez-vous nos chers Salomonais. Puis nous sommes allés ensuite, Sœur Marie Sylvia et moi au village voisin, voir un pauvre homme, que l’on dit très malade . Nous l’avons trouvé en effet agonisant et râlait déjà. Mais, ce qui nous a presque fait rire en entrant, malgré la gravité de la circonstance, c’est que l’on avait déjà allumé les deux bougies et dressé une sorte de petit hôtel avec un Christ au milieu et des pots de fleurs de chaque côté. Ils n’ont pas attendu qu’il soit mort. Je viens d’écrire aussi à Marie. J’ai commencé , j’achèverai à un autre moment avant que ne parte le courrier. Je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis sa lettre du 7 décembre. Elle a dû m’écrire avant le carême je pense. Êtes-vous allés tous deux la voir comme vous en aviez l’intention ? J’ai demandé un temps idéal exprès pour toi, Tanis , car j’espère que vous n’êtes pas encore tout à fait brouillés ensemble, toi et Marie… Ce serait triste, quand surtout, l’on a qu’un seul , un cher et unique beau- frère . Ma pensée est allée vous retrouver là-bas. Il me semblait vous voir tous réunis et j’étais heureuse de votre bonheur. Nous venons d’avoir bien des visites. Monseigneur est revenu nous voir avec un Père et un Frère. J’ai eu ainsi l’honneur de préparer les ornements et la messe d’un Evêque… de mon Evêque pour la première fois. Pensez, si j’étais empressée car j’avais tous les autres Pères à préparer, je suis chargée du travail de l’église et Sœur Marie Sylvia a voulue que je lui garnisse son fauteuil et son prie-Dieu et cela en double. Il faut les couleurs liturgique, vert et violet. C’est même les coupons que maman m’avait acheté que j’ai utilisés pour le faire. C’est quelque chose que de recevoir les visites d’Evêque. Pour le reste il est bien simple. Nous l’avons eu deux jours ici. Il se rendait à Marau , pour se rendre compte de la situation pour la nouvelle école de jeunes gens que l’on est en train d’organiser, avec le Père qui en sera chargé, puis il filait ensuite à Avuavu . Il nous avait amené deux Sœurs de Visalé pour passer quelques jours avec nous jusqu’à son retour, il s’est arrêté ici encore une nuit et un jour. Nous aurons le privilège de le voir plus souvent étant les plus près et sur le passage pour se rendre aux autres Stations. Et hier soir nous avons eu une autre visite. Nous étions pour dire la prière du soir, quand les garçons sont venus annoncer, l’arrivée d’un bateau, c’est le Père Pottevigne nous disent-ils. Il faisait nuit noire. Sans trop y croire, nous nous rendons quand même au rivage, par extraordinaire, il n’y avait personne chez les Pères , étant en visite de village, et pendant ce temps, nous sommes les cheffesses du pays: Sœur Mary Sylvia est le Curé, moi je suis son Vicaire… Peu après nous voyons quelqu’un descendre de bateau et s’avancer vers nous. C’était bien le Père, nos Indigènes avec leurs yeux de sphinx avait deviné juste. Une fois à la maison, comme il criait famine, nous lui faisons vite cuire quelques œufs et lui préparons un peu de thé. C’est le Père de Sœur Marie Otilia, ma Sœur inséparable séparée … j’ai eu ainsi le plaisir d’avoir de ses nouvelles et elle des miennes. Il était prêt de 10h30 quand nous nous sommes couchés. Et voilà, comme vous voyez, il faut compter avec l’imprévu et ne s’étonner de rien. Vous pouvez voir que nos relations entre Maristes sont bien simple. C’est la vraie vie de famille. Il revenait de Tulagi et c’est lui qui m’a apporté ta lettre Drienne. Celle de maman de chez vous du 4 février. Je la comprends très bien et elle me ferait grand plaisir en ajoutant au moins quelques mots à vos lettres. Si vous saviez comme de penser que vous êtes là me tranquillise…Je sais qu’avec vous, maman ne se sentira jamais seule . Elle pourra encore être heureuse. J’en suis sûre. Tu ne peux me faire plus de plaisir, ma chère Drienne , en allant souvent « chez nous ». Il me semble voir la figure de maman s’éclairer de plaisir. Emmanuel et Marie P. aussi sont contents j’en suis sûre. La maison doit peut-être leur paraître un peu grande par moment. Mais aussi ils entreprennent assez pour n’avoir pas le temps de s’y ennuyer. Papa le premier. Il ne s’arrêtera pas pour penser un peu à autre chose, à autre chose de plus haut qu’à la terre. Tu n’es vraiment pas bon prédicateur toi Drienne , depuis le temps que tu le prêche. Tu te fais rare comme les beaux jours paraît-il toi Tanis , et pourtant je n’ai pas le cœur de trop te disputer puisque pour permettre à Drienne de faire ses petites tournées, c’est toi qui te dévoue à faire la popote, pauvre de toi… Tu sais avec quel plaisir j’ai lu tes deux lettres du premier et 14 décembre. J’espère que tes affaires ayant bien marché ces derniers mois tu as pu garnir ta bourse que maintenant tu vas pouvoir acheter la fameuse bicyclette . Ce qui serait mieux encore: une bonne petite auto avec laquelle tu donnerais « chez nous » le plaisir de te voir plus souvent, je le souhaite.Tu me diras si tu es arrivé à débrouiller tes affaires. Je vous laisse pour ce soir. La bénédiction va sonner et il faut que j’aille un peu avant. Vas-tu au moins aux vêpres quelques fois Tanis ? Et toi Drienne ? Est-ce que tu vas de temps en temps à la Messe le matin ? À bientôt je vous embrasse bien fort tous deux. Le dimanche de Quasimodo : Mes bien chers , je reviens achever ma lettre car il nous faut les donner ce soir au Père qui s’occupera de les expédier. Le courrier est arrivé vendredi matin, et j’ai été contente d’y trouver ta lettre Drienne. J’espère que la mienne n’aura pas trop tardé à arriver. Enfin, pour vous tranquilliser, ne vous faites pas d’idées trop pessimistes au sujet de notre beau pays Salomonais. Et voilà les fêtes de Pâques passées . Peut-être êtes-vous allés vous promener au Pey ? Je pensais vous écrire, mais je n’ai pas eu un moment le jour de Pâques. La Grand-messe fut finie très tard, et ensuite nous avons été occupés presque jusqu’au dîner. Dans l’après-midi, nous sommes sorti nous promener un peu dans le quartier, pour voir et parler un peu aux gens . Beaucoup sont très éloignés et ne viennent que deux ou trois fois l’année. J’ai trouvé qu’ils étaient moins nombreux qu’à Noël moins d’enfants surtout, et à notre retour, une visite des Blancs nous a fait passer le reste de la soirée, et le lendemain lundi de Pâques, nous sommes allés en picnic avec les enfants. Personne n’a voulu partir en vacances, quelques-unes seulement sont parties avec leurs parents. Elles préparent leur Confirmation et elles ne sont pas trop savantes . Le côté Religion n’est guère brillant et ici, l’entourage des Blancs semble bien y être pour quelque chose. Etant les plus près de Tulagi , beaucoup de nos jeunes gens y vont travailler ou encore chez les Colons. Nous avons pas mal de Catholiques , mais la majeure partie ne l’est que de nom. Les contacts avec la civilisation ne leur est guère favorable. Ils ne savent en prendre ni le bien, ni le bon, et d’autre part sollicités par toutes ces sectes : Protestants, Anglicans, nos pauvres Indigènes, trop ignorants de leur Religion, finissent par n’en pratiquer aucune, et restent absolument indifférents . Je compte que vous unirez vos Prières aux miennes pour que Dieu accomplissent son œuvre de grâce. Oui, la civilisation finit par se glisser un peu partout. Vous ne le croiriez peut-être pas, mais même aux Salomon, nous faisons des promenades en auto. Nos voisins, des Colons, sont Catholiques, ils viennent souvent nous voir et aussi nous chercher avec leur auto pour nous emmener chez eux. Nous y allons pour leur faire plaisir et par charité. Ils sont bien isolés et paraît-il , ont beaucoup souffert, ayant une belle situation à la Cour de Russie, ils ont dû fuir par la Révolution. Ils ont d’immenses plantations, et pour nous les faire visiter un peu, on nous a fait faire toute une tournée en auto, et c’était vraiment étrange, cette machine moderne, courant dans les longues allées de cocotier,. Ils sont très gentils pour nous et nous donnent souvent des légumes ou à chaque « steamer » de ce qu’ils font venir de Sydney. Et vous que faites-vous en ce moment ? Tanis doit être occupé après ses vignes. Est-ce qu’il va bien ton petit cheval blanc ? Les gros travaux vont recommencer. J’espère que vous n’êtes pas malade. Tanis a eu mal aux dents. Et bien moi, j’ai eu un peu la fièvre .Tu sais peut-être que pendant que tu faisais « oh là là ma dent » moi en face faisait « Ouh là là, ma tête ». C’est passé maintenant et je souhaite qu’il en soit de même pour toi ! Il faut bien faire connaissance avec les habitudes du pays. Que voulez- vous, il faut s’acclimater. Comment va le pauvre tonton Édouard ? Il en a des misères et à son âge, il a besoin d’être solide. J’ai commencé à recevoir le bulletin de Remouillé . Avez-vous eu sa visite dernièrement? Il faut que je pense à lui écrire pour sa fête. Votre nouveau vicaire est-il gentil ? Vient-il vous voir ? Je termine cette fois. Quand je vous retrouverai ce sera mai ou peut-être juin c’est long !… Heureusement que la pensée n’est pas renfermée dans ces petites et si étroites limites . C’est bien des fois dans la journée qu’elle glisse vers votre souvenir à tous, pour remonter en forme de prière, vers Dieu, notre Père Céleste, qui nous aime plus que nous ne pouvons comprendre. Prier aussi un peu pour moi. Une bise à petite Jeanne. Est-ce qu’elle vient vous voir toute seule À vous toutes mes tendresses . Georgette J’envoie une photo de Monseigneur avec sa bénédiction. Vous pourrez en garder une si cela vous fait plaisir. Puisque j’en ai déjà envoyé une « chez nous ». Écrivez-moi le plus que vous pourrez. Ne va pas noyé tes promesses dans le lac de grand lieu Tanis. Puisqu’il y a tant d’eau. Ce serait dangereux. Tu risquerais de ne plus les repêcher.… Puisque vous me demandez quoi, j’aimerais pour mes étrennes, mes prochaines, si vous vouliez m’acheter un stylo, ça me ferait plaisir et me rendrait service si votre bourse le permet. Bien toujours affectueusement votre . Votre sœurette. Lettre 3 : 1936 Avec ma cornette blanche, et savez-vous, même au milieu de cet entourage, votre souvenir vient se glisser. Je pensais que dirais maman « Chez nous » si on me voit… Et de le penser me faisait presque rire… « Alors, tout le monde va bien par ici ? » demandons-nous. Mais la misère ne manque pas chez ces pauvres gens : L’une dit « mon bébé est malade, il tousse, » un autre « il a mal aux yeux » un autre : « j’ai la fièvre, mal à la tête, etc. » et tous sont content de se plaindre un peu à la Sœur. Heureusement, on ne s’embarque pas sans prendre une petite trousse avec soi. Et alors nous distribuons aux uns et aux autres les quelques médicaments apportés et voilà nos braves gens contents. Jeudi, nous avions aussi apporté des images de Saint Thérèse que nous avons laissé à chaque maison. Une pauvre Païenne se demandait quoi en faire… « Mais là , seulement sur le mur dans ta maison, c’est une petite sœur comme nous » « ah !! C’est bien » dit-elle rassurée. Enfin, nous filons à la recherche d’un coin ombragé, pour le dîner. Les enfants savent et nous conduisent. La troupe augmente des plus petits qui ont suivi leurs grandes sœurs. Si vous voyez cela !… Pour ma part, je prends quelques bons rires, avec une pareille escorte. Nous nous installons près d’une rivière, pour le grand bonheur, de nos grands et petits poissons bruns d’un nouveau genre.. Si vous voyez ces petites frimousses de trois ou quatre ans !… C’est drôle de les voir. Puis les unes nous préparent un lit de feuilles tandis que d’autres les plus grandes font le feu pour préparer le dîner. Nous prions , nous bavardons. Enfin, avant qu’il ne soit trop tard dans la soirée, il faut songer au départ. Au retour, nos gens sont dehors, ils viennent nous dire au revoir. Nous ne nous attardons pas. Enfin, nous arrivons chez nous un peu fatigué, mais tout le monde content regrettant seulement de ne pouvoir aller que si peu souvent. Mais je suis bien bavarde avec vous. Je vous laisse bien vite si je veux écrire aussi un peu à Marie. Que faites-vous en ce moment, avez-vous un bon mois de mai ? Ici nous n’avons pas encore senti le froid, vous savez. Ne dis-tu pas un bout de Chapelet le soir Manuelo ? Nous le disons chaque soir à l’église avec les enfants. Bonsoir, mes bien chers tous, à bientôt… Je vous embrasse avec toute l’affection que vous savez. Bien vôtre toujours. Georgette– Soeur Marie de Loyola Lettre 4 : RUAVATU 07/ 1936 Ma chère Drienne, mon cher Tanis , C’est à vous que je viens faire visite aujourd’hui et que j’adresse ma lettre. C'est votre tour . C’est toi mon Tanis que je charge de donner de mes nouvelles « chez nous »; je sais que tu seras assez gentil pour vouloir bien faire ma commission . Tu peux emmener Drienne, elle se fera un grand plaisir de te tenir compagnie . Vous devez être bien occupés et travailler fort tous ces temps- ci . Bien souvent dans la journée , je pense à vous , le soir quand je me couche, il me semble vous voir à votre travail, commencé déjà depuis plusieurs heures . Avez-vous commencé de couper le blé ? S’il fait le même temps qu’ici , vous aurez de la peine, depuis quelques semaines , nous avons presque tous les jours , le vent, la pluie, de terribles bourrasques , moins le froid c’est un vrai temps d’hiver . Le Père Graton a eu de la peine à se rendre à Tulagi pour porter notre dernier courrier , il a quand même pu attraper le bateau, ainsi vous ne serez pas trop longtemps sans nouvelles et j’étais contente . Le Père me plaisantait un peu en voyant mon inquiétude de ce que nos lettres ne partiraient peut-être pas et me disait « Ma pauvre petite Sœur , vous vous en ferez plus et vous casseriez la tête , que ça n’irait pas mieux. Prenez donc les choses comme elles sont et chez vous on s’habituera aussi à ces délais » C’est de bonne philosophie, n’est ce pas , et il serait bien de s’y essayer . Il pleut presque sans s’arrêter depuis ce matin , aussi nous restons à la maison , impossible de sortir comme nous en avons l’habitude presque chaque dimanche . Les enfants ne sont pas trop fâchés . Cela me permet de venir vous trouver non seulement par la pensée, mais par quelque chose de palpable. Je viens de commencer une lettre à Marie et me voila à vous . Elle m’en fait d’un questionnaire en règle, si vous voyez cela , je vais être obligée de m’y reprendre à plusieurs fois pour lui répondre, vous n’êtes pas si curieux heureusement . Depuis ma dernière lettre, pas grand chose de nouveau a vous signaler , sinon que par ce mauvais temps les rhumes reprennent après un temps d'arrêt et les potions aussi . Nous avons aussi une nouvelle petite écolière depuis jeudi , une petite Marie. Elles m’amusent les plus petites : ces petits bouts de six ans à peine , une petite Marie surtout, chaque soir , elle me demande si on boit la médecine et vient m’offrir ses services pour la préparer . Elle parle tout le temps , une vraie petite bavarde . C’est une petite orpheline , nous en avons trois ou quatre , je crois que c’est elle que j’aime le mieux. Quelquefois elles font la grimace mais , elles me regardent à deux fois quand je leur dis qu’elles devraient être bien contentes au contraire de boire de la bonne médecine avec des dragées dedans .. “C'est vrai? ” font- elles et dans mon « for » je ris , c’est tout simplement un sirop additionné d’huile de foie de morue … Notre école est en deuil, nous venons de perdre un de nos petit garçon , mort presque subitement en deux jours . Il s’était de sentir ses jambes mortes, puis tout le corps s’est trouvé pris . Il ne pouvait presque pas bouger quand le Père est venu nous avertir, et que nous sommes allées le voir , il respirait déjà avec peine . Comme nous lui disions que nous allions prier Sainte Thérèse que peut-être elle le guérirait, il a répondu “ oh…je l’ai déjà bien priée depuis ce matin , et je la prie “. Le lendemain matin à 4H il était mort, bien préparé par le Père qui était près de lui , c’était un de ses petits enfants de chœur, un bon petit, ses petits camarades avaient cueillis des branches de verdure qu’ils avaient placé sur sa couche. Il semblait sourire et on eut dit qu’il dormait .J’étais à l’enterrement avec les filles . La semaine dernière nous sommes allées plusieurs fois voir une jeune femme de 18 à 20 ans qui venait d’être maman . Le bébé est mort le lendemain et comme elle paraissait en danger, le Père n’étant pas là, Sœur Marie Sylvia l’a baptisée , car c’était une Païenne , qui avait commencé à venir chez nous pour s’y préparer , et mariée à un Catholique. , nous lui avions mis une médaille de Sté Thérèse au cou . De leur côté, sa famille à elle , encore Païens ou Protestants , lui mettaient aussi de leurs fétiches de diable, quels pauvres gens … Voilà à peu près tous les incidents de ces dernières semaines depuis ma dernière lettre , et maintenant voulez-vous nous faire une petite visite ? Je voudrais vous faire connaître notre domaine, ce qui se passe en pays Salomonais, vous comprendrez mieux alors ce que je fais , c’est ce que je vais essayer de vous faire connaître petit à petit , peut être vais-je vous ennuyer un peu en répétant certaines choses , car je ne me souviens plus bien de quoi je vous ai déjà parlé . Je vais vous donner quelques réponses du questionnaire que m’a posé Marie . Je suis sûre que cela vous fera plaisir de savoir aussi . Vous ai je dit que notre église est en bois, peinte en blanc, l’intérieur, le chœur est en bleu . Une belle statue de la Sainte Vierge domine le maître autel. De chaque côté , les deux petits autels , celui du Sacré cœur et de Saint Joseph , et ma belle statue de Sainte Thérèse, pour s’asseoir: un banc, quelques chaises et Prie-Dieu . Elle est presque entièrement tapissée de nattes , nos Indigènes n’ont point besoin de bancs, ils ont l’habitude de s’asseoir par terre. Elle est beaucoup moins grande que celle de Saint Étienne, et encore, elle est loin d’être remplie chaque dimanche . En bois aussi, c'est notre maison ( murs, parquet) nous avons quatre petites pièces et la cuisine , presque toute entourée d’une véranda, notre ameublement dans une pièce , avec une table et quelques chaises , une armoire , des étagères , c’est la bibliothèque. Une autre ou nous prenons nos repas avec un garde manger, une espèce de bahut et dans un coin un petit placard , c’est la pharmacie et deux dortoirs , chacune notre cellule . Dans celui ou je couche, j’ai mon lit , mais oui, Marie me demandait si nous en avions ! et même , de jolis rideaux blancs en tulle , s’il vous plaît , que l’on appelle ici moustiquaire . Il est presque impossible de dormir sans cela , on est aussitôt assaillis par les moustiques qui vous tourmentent sans cesse , et puis gare à la fièvre. Il y a le moustique à fièvre , la journée on ne les aperçoit pas , mais quand tombe le soir . … Une caisse montée sur des pieds me sert de table de toilette . Au-dessus deux petites étagères ou je range mes affaires , dans un angle de la pièce encore des étagères et nous en avons un peu partout . Rayons de confection, coupons d’étoffes, habillement commencé, et boîtes de fil , un banc , mes malles .. c’est tout. . Au mur, un Christ, un beau tableau de la Sainte Vierge, et une petite statue de Sainte Thérèse . La cuisine est un peu détachée du reste de la maison mais à deux pas . Elle est assez commode, très grande là encore: une table , un garde-manger , et les indispensables étagères faites d’armoires , nous avons aussi un fourneau qui marche pas mal , il est grand à peu près comme le nôtre . Nous pouvons alors puisque nous avons des œufs , cuire des gâteaux les jours de fêtes cela nourrit d’ailleurs comme le reste . Les enfants cherchent et préparent le bois ,, ainsi, nous n’avons pas trop de peine . Il y a par ailleurs tout à faire , devant un grand carré de ciment, avec un robinet, nous avons toujours suffisamment d’eau malgré la chaleur . C’est tout pour aujourd’hui , il est temps de m’arrêter , une autre fois je vous parlerai d’autres choses . Cette semaine je faisais des petits pantalons à nos deux grands jeunes gens … de trois ans à peine : Henri et Louise . Nous avons de la peine à arriver à faire toute la couture comme il n’est pas facile de s’y tenir longtemps. Sœur Marie Sylvia m’en laisse volontiers la charge. Elle me taquine quelquefois , vous pensez quand je fais la cuisine , vous savez que je suis loin d’être un cordon bleu .