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I l faisait si chaud en cette fin de matinée qu’on se serait cru en enfer. À tout bout de champ, Max secouait son t-shirt mouillé de sueur. L’ado de quatorze ans marchait d’un pas trop rapide pour sa sœur ca- dette qui trottinait derrière lui. Il restait encore un kilomètre à parcourir avant d’atteindre le village. — Vraiment des vacances pourries, râlait- il. Peux pas croire qu’on va passer l’été dans un trou pareil. Vais crever d’ennui, c’est sûr... Maxence faisait la gueule depuis qu’il avait mis le pied au chalet, une maison centenaire que ses parents avaient achetée pour trois fois rien (ce qui expliquait son état de décrépitude avan- cé). C’était le deuxième été que la famille Moreau passait dans la région de Ronde-Vallée, une bour- gade sans intérêt qui, selon Max, pouvait aspirer au titre du village le plus déprimant du monde. Mais pour ses parents, François et Josiane, c’était l’image même du paradis. Ils rêvaient de cette retraite à la campagne depuis des mois. Enseignante au primaire, Josiane frôlait l’épui- sement professionnel quand arrivait la fin de l’année scolaire. Et maintenant qu’elle était en Des moustique.indd 7 2016-12-07 10:33 8 Les moustiques congé, elle ne désirait plus qu’une chose : se prélasser pendant des heures dans le hamac en compagnie d’un bon roman. Quant à Fran- çois, sculpteur de métier, il nourrissait de gros projets de rénovation. Il se faisait un devoir et une joie de retaper cette vieille baraque qu’il considérait comme son bébé. Max, lui, n’avait absolument rien à faire. À part suer. À grosses gouttes. Il accompagnait sa sœur Emma à La Comète Glacée, l’unique crémerie à des kilomètres à la ronde. Non par choix. Sa mère l’y avait obligé. Elle refusait de laisser sa fille de dix ans se balader seule sur le bord de cette route jugée dangereuse, où les camions roulaient bien au- delà de la vitesse permise. Non seulement Maxence était privé de ses camarades, des plaisirs urbains, de ses activités sportives – de sa vie, quoi! – mais il devait en plus jouer les baby-sitters pour sa sœur. — C’est trop injuste, était-il en train de marmonner lorsqu’il remarqua le chien noir qui gisait dans le fossé. Au premier coup d’œil, on aurait dit qu’il faisait la sieste. Le genre de sieste dont on ne se réveille jamais, conclut Max en regardant mieux. La pauvre bête avait sans doute traversé la route au mauvais moment. Si de son vivant il avait été un bel animal, mélange de golden et d’une autre race Des moustique.indd 8 2016-12-07 10:33 9 Les moustiques indéterminée, maintenant il n’était pas très joli à regarder. Il ne lui restait plus que la fourrure et les os, comme s’il avait été vidé de sa chair. L’œuvre des corbeaux et autres charognards, qui s’étaient certainement offert un bon gueuleton. — Regarde pas! prévint Max en brandissant la main pour empêcher sa sœur de s’approcher du fossé. Mais Emma, dont la curiosité était sans doute le pire défaut, ne put se retenir de jeter un œil. — Beeeurk ! C’est donc ben dégueu ! s’écria-t-elle en tournant le dos au cadavre. — Je t’avais dit de pas regarder! grogna Max, exaspéré. Pourquoi tu m’as pas écouté ? À cause de ça, tu vas faire de l’insomnie ou bien des cauchemars toute la nuit... et il va falloir que je te parle pendant des heures pour te rassurer! Voilà autre chose ! Le chalet étant à peine plus grand qu’une niche à chien, Max était contraint de partager la chambre à coucher avec sa sœur. — Je crois que je vais vomir, avoua Emma, la main plaquée contre la bouche. Pour la crème glacée, j’suis plus sûre... Perdu dans la contemplation morbide de la dépouille canine, Max se demandait depuis combien de temps celle-ci croupissait au bord de la route. Plusieurs jours, à en juger par Des moustique.indd 9 2016-12-07 10:33 10 Les moustiques son état de décomposition. Si c’était le cas, pourquoi ne l’avait-il pas remarquée avant ? Et pourquoi personne ne s’était donné la peine de la ramasser ? Le collier autour de son cou était bien la preuve que ce chien appartenait à quelqu’un du coin. Max aurait-il le courage de descendre dans le fossé pour connaître le nom de la bête et de son maître ? Alors qu’il se posait la question, il entendit un petit cri aigu. — Quoi ? Quoi ? aboya-t-il en se tournant vers sa sœur. — Un maringouin, balbutia Emma en regardant nerveusement autour d’elle. Il était sur mon bras. — Depuis quand les moustiques te font sursauter ? s’étonna Max. C’est pas toi qui as dit que tu les aimais tellement que t’en mettrais dans tes céréales, le matin? Une blague qu’Emma avait lancée le len- demain de leur arrivée à Ronde-Vallée, en constatant avec regret que les moustiques régnaient en maîtres dans la région. — Hein? fit la sœur, distraite. — Je croyais que t’étais l’amie des bibittes... — Il était pas normal, celui-là, répondit- elle sur un ton hypnotique. Il avait une rayure rouge fluo sur l’abdomen. Et il était deux fois plus gros qu’un moustique ordinaire. Tellement gros que j’ai pas osé le taper...