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J'ai connu Ahmed Cherkaoui en 1961. Nous nous interrogions sur la culture nationale, sur la quête d'un art rendu à sa question radicale, celle de reprendre racine et d'indiquer un cheminement différent. Cherkaoui meurt brusquement en Août 1967, à son retour au Maroc. Racines voilées fixons un instant ces deux mots. Instant retenu d'abord par un souvenir récent venu d'un voyage en Malaisie. J'évoque ainsi l'image d'un arbre gigantesque, et dont les branches, en dehors du tronc, reviennent amplement vers la terre et s'y enfoncent avec fougue. La solidité du tronc persiste, mais aperçue en filigrane. Aperception voilée par les branches qui participent ainsi à l'être de la racine et à l'être de la branche. Dans ce geste, la racine revient, écartée, à son propre élément. Sans doute, le destin de l'arbre est de prendre racine et de marcher vers le ciel, mais ici l'arbre s'enracine et s'élance selon un élan double et circulatoire, comme si le deuxième mouvement de son élan libérait l'arbre de la terre, et la terre de sa profondeur. De ce fait, la liane déborde les éléments qui la soutiennent et l'irriguent. Le sang de la pensée est une fiction de l'arbre. Le voile radical transporte, suspend la terre selon un envol des racines. Cet envol qui vient au jour, sous une lumière intraitable, reçoit l'arbre selon une forme soulevée et non arrachée de son stipe absolu. Il est donc inépuisable dans ses effets de transposition. Mais peut être faut-il répéter avec un risque habituel que l'Art, dans sa disposition cardinale, s'oriente en s'écoulant dans la fraîcheur captive de la source. La peinture de Cherkaoui est monogrammatique. En un sens général, le monogramme désigne un paraphe, une signature abrégée, la forme d'un nom propre. Il renvoie donc à une calligraphie des racines. Une peinture est monogrammatique quand elle rend visible le dessin, l'entrelacs de son identité. Identité comme calligraphie des racines l'Art s'éveille dans la durée de ce retour. Mais, dans cette quête, ce qui doit être tenu à vue, au-delà de la compétence technique, c'est cela qui abrite les choses et les objets dans l'envol des racines et l'ivresse du soleil, c'est cela qui signifie la danse du sol natal en son désert et en son exil sans retour. Dirigé ainsi, l'Art signe dans l'œil transposé du soleil le tracé d'un nom propre, il croise l'Orient et l'Occident comme deux épées transfigurées par la subtilité d'un tatouage. Il faut préciser brièvement ces métaphores : l'identité ne se donne point comme une révélation euphorique et synthétique de l'être, mais sur tous les plans, elle suppose la quête d'un destin incontournable. Nous parlons de la calligraphie des racines et de la danse du soleil, dans la mesure où l'être de la peinture glorifie la couleur dans le feu de son éclat et l'épure des choses selon leur projection vibrante. La racine s'écarte d'elle même pour vibrer dans le vent. J'ai toujours associé la peinture de Cherkaoui à la couleur mauve. Pourtant, il a utilisé forcément une gamme variée, sur le chemin de son destin.