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A Paris, à la fin de l'année 1819, dans une pension bourgeoise, lépreuse et nauséabonde, de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, vit un groupe de pensionnaires, où, à côté de figures banales et grotesques, s'entrevoient des âmes puissamment originales, dont la rencontre fait pressentir des drames poignants. Eugène de Rastignac, jeune noble débarqué de son Périgord natal et venu faire son droit et sa fortune à Paris, étudiant pauvre en attendant, mais ambitieux, y coudoie le père Goriot et Vautrin sur lesquels des scènes étranges lui donnent quelques aperçus singuliers. L'ancien vermicelier Goriot est arrivé nanti d'une belle rente, Madame Vauquer s'étant d'ailleurs laissée aller à rêver de devenir Madame Goriot pour quitter enfin ce pauvre quartier de Paris, ce qu'elle ne se pardonne pas car, après avoir occupé le plus bel appartement de sa pension, le vieillard de soixante-neuf ans, taciturne et à l'aspect imbécile, vrai souffre-douleur de la pension, habite à présent une méchante petite chambre au troisième étage et semble avoir dilapidé sa fortune de manière incompréhensible. Rien ne l'enthousiasme plus, si ce n'est la visite, de loin en loin, de deux jeunes femmes richement vêtues et roulant carrosse en qui tous les gens de la pension se refusent de voir ses propres filles. Les suppositions les plus incroyables s'échangent le soir autour de la table où se réunissent les clients de la pension. Chargé par les pensionnaires de percer le mystère qui entoure le père Goriot, Rastignac, poussé par la curiosité d'abord, par la sympathie ensuite, ne sera pas long à découvrir son pauvre secret que sa cousine, Mme de Beauséant, qui peut le faire entrer dans la haute société, lui livre. Le bonhomme a pour filles deux des femmes les plus brillantes de la société parisienne, richement mariées et mêlées à des intrigues de toute sorte : Anastasie, comtesse de Restaud ; Delphine, baronne de Nucingen. Leur père, veuf de bonne heure, leur a voué un amour exclusif, aveugle, est animé à leur égard d'une passion paternelle exagérée ; « martyr de la paternité », il s'est dépouillé peu à peu de ses biens en leur faveur, s'est ruiné, s'est condamné à une vie misérable pour leur assurer de somptueux mariages, ses gendres le payant de mépris insolent, ses filles d'ingratitude indifférente. C'est, pour Rastignac, une première expérience de la vie de Paris. Cependant, Vautrin, colosse de quarante ans, plaisantin mais mystérieux et inquiétant, guette le jeune ambitieux, dont il a deviné les rêves mais qui perçoit confusément que cet homme qui le fascine n'est sans doute pas aussi limpide qu'il veut le laisser croire. Un jour, le prenant à part, disant ne vouloir que son bien, il lui expose brutalement ses théories sociales pour le faire profiter de sa part d'expériences et lui ménager le succès. Il sait que le jeune homme veut réussir, mais, comme «parvenir à une rapide fortune est le problème que se proposent en ce moment de résoudre cinquante mille jeunes gens qui se trouvent dans votre position», il lui faudra donc jeter bas tout scrupule et atteindre la prospérité par un crime. Or, à la pension, vit obscurément une pauvre fille, Victorine Taillefer, abandonnée par son père, qui réserve toute son affection à son fils auquel il léguera une fortune énorme. Vautrin, par d'obscures complicités, fera disparaître ce fils, obligera le père à reprendre sa fille, et à la rétablir dans ses droits d'héritière. Il suffira que Rastignac conquière l'amour de Victorine, et sa fortune sera faite. L'étudiant, mordu au cœur par la tentation, se révolte pourtant contre cette offre abominable. Il cherche à poursuivre ses avantages dans le monde, et se fait présenter aux filles du père Goriot. Il échoue auprès de Mme de Restaud, mais se lie intimement avec Mme de Nucingen, encouragé par l'aveuglement paternel du vieillard qui, pour se rapprocher de sa fille, protège avec une inconscience totale leurs amours. Le drame se précipite : Vautrin, sûr de faire tomber finalement Rastignac dans son piège, a poursuivi ses intrigues. Mais il ne s'est pas assez méfié de ses voisins de pension. Trahi par une vieille fille, espionne de la police, il est reconnu pour être le forçat évadé « Trompe-la-Mort », et est arrêté le jour même où il a fait tuer en duel le fils Taillefer par un spadassin à sa solde. Rastignac s'abandonne à sa passion pour Delphine. Mais les deux gendres du père Goriot, avertis des intrigues de leurs femmes, les persécutent et menacent de les réduire à la ruine ; elles viennent implorer le secours de leur père ; elles lui livrent leurs secrets les plus douloureux et leurs vanité blessées s’affrontent sous ses yeux. Leur atroce querelle porte au vieillard un coup mortel. Frappé d'apoplexie, il agonise sur son grabat infect. Ses filles ne viennent pas l'assister ou viennent trop tard. Devenu clairvoyant, il maudit les ingrates, les supplie, les rappelle. Il perd la tête ; il meurt enfin, entouré d'Eugène et de Bianchon, étudiant en médecine, qui, seuls, se chargent encore de lui rendre aussi décemment que possible les derniers devoirs. Cet affreux dénouement achève la triste éducation de Rastignac : en bon arriviste qui n'a rien oublié des leçons de Vautrin, après avoir enterré le père Goriot et avant d’aller dîner chez sa maîtresse, du sommet du cimetière du Père Lachaise, contemplant Paris, mûr désormais pour sa conquête, il s’écrie : « À nous deux maintenant ! » Origine, thèmes Le Père Goriot est commencé en 1834. Il est publié pour la première fois en 1834 et 1835 dans La Revue de Paris. Il est publié en volume en 1842. Le Père Goriot fait partie des Études de mœurs de La Comédie humaine, section Scènes de la vie privée. Le Père Goriot aborde le thème de l’amour paternel poussé jusqu'à la déraison. Il donne aussi une vision globale de la société parisienne sous la Restauration et de toutes ses couches sociales, depuis les plus démunies jusqu’aux plus élevées. L’arrivisme et la nécessité de la réussite dans la jungle mondaine sont incarnés par un groupe de « jeunes loups », tel Maxime de Trailles, ou par de jeunes provinciaux fermement décidés à se faire une place de choix, tel Eugène de Rastignac. C’est à la fois un roman social, un roman psychologique, un roman policier. Deux mouvements s’opposent : tandis que Rastignac connaît une ascension, le père Goriot subit une véritable déchéance. L’intrigue est complexe : après la longue mise en train (qui occupe le tiers de l’ensemble), la crise est rapide, se déroulant à travers une série de dialogues et de scènes puissantes. Elle suit trois pistes différentes : l’éducation de Rastignac qui reçoit trois leçons (celle de Mme de Beauséant, celle de Goriot, celle de Vautrin); le drame du père Goriot (qui, comme l’a signalé Stefan Zweig, est fait sur le modèle de celui du roi Lear de Shakespeare : « tragédie du père Goriot, ce roi Lear inconnu ») ; le roman policier de Vautrin, le forçat évadé qui est opposé à la société (sur le modèle de Vidocq). -Le point de vue est objectif, la focalisation se fait tantôt sur Rastignac, tantôt sur Goriot, tantôt sur Vautrin. Les différentes classes : le peuple, la petite bourgeoisie, l’aristocratie, ont été bouleversées dans un passé récent, la Révolution ayant permis justement à Goriot de faire sa fortune, de marier ses filles à des aristocrates qui ont maintenant repris le pouvoir et le méprisent non sans raisons. La volonté de réalisme de Balzac lui fait montrer le rôle essentiel de l’argent, qui est souligné surtout dans l’évolution financière du père Goriot, riche commerçant qui : la première année où il se trouve à la pension, vit à l’aise avec 1200 francs de pension et 8000 de rente, une solide condition physique, une magnifique garde-robe ; dès la deuxième année, se voit obligé de prendre une pension à900 francs et de réduire son train de vie ; la troisième année, prend la pension la moins chère (45 francs), ne jouissant plus d’aucun luxe et sa condition physique s’étant dégradée sérieusement ; la quatrième année, voit sa dégradation physique s’accentuer tandis que ses filles le rendent fou et que, pour leur faire plaisir et leur éviter le moindre effort, il se ruine progressivement afin de leur fournir un maximum d’argent qu’elles jettent par les fenêtres. Mais la volonté de réalisme de Balzac ne l’empêche pas de se montrer nostalgique de la société qui s'en va avec la montée du pouvoir de l’argent, et cela se ressent à travers ses descriptions. Eugène de Rastignac : en ce qui concerne ce personnage, Le père Goriot se révèle le type même du roman d’apprentissage. Le jeune homme doit être initié à la vie, vivre le passage douloureux à l’âge adulte et prendre ses responsabilités. C’est au départ un naïf qui arrive de sa campagne et débarque à Paris, qui va devoir apprendre à vivre dans cette société qui propose une morale différente de celle qui lui a été inculquée dans sa famille. Balzac en a fait un séduisant Méridional : il « avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus ». Et, en tant que Méridional, s’il est audacieux, il est prompt au découragement comme aux retours d’optimisme. Candide à son arrivée à la pension Vauquer, il se trouve vite à la croisée des chemins entre le vice et la vertu. Son éducation, qui n’est pas celle de l’étudiant qu’il est censé être mais celle du jeune provincial qui se frotte à la société parisienne, se fait à travers diverses expériences : une visite à Mme de Restaud l’initie aux secrets d’un adultère ; une conversation entre Mme de Beauséant et Mme de Langeais lui fait découvrir la fausse amitié ; une seconde visite à Mme de Beauséant lui révèle l’orgueil aristocratique ; un passage dans une maison de jeu lui montre la misère élégante. Plein de scrupules, il refuse l’argent de madame de Nucingen.