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Full text De longue date, depuis au moins le XVIIe siècle, le français, plus que d’autres langues, a été marqué par une tradition monocentrique qui a régné sans partage pendant au moins trois siècles et a fait de l’usage parisien la norme de référence incontestée. Le centralisme monarchique puis le jacobinisme linguistique qui a inspiré les diverses républiques ont renforcé le sentiment de la prééminence de l’usage francilien qui existait dès le Moyen Âge et qui incitait les écrivains à s’excuser de ne pas avoir comme langue maternelle la variété dialectale francien ne. Le centralisme linguistique, essentiellement grâce à ces instruments de régulation linguistique que sont l’école, l’armée (service militaire) et les médias, a entraîné dans l’hexagone, non seulement la chasse aux langues régionales (breton, alsacien, basque, langue d’oc, franco-provençal, corse) mais aussi aux dialectes de la partie nord de la France apparentés génétiquement au français. Cette politique normative coercitive s’est poursuivie aux XIXe et XXe siècles dans les territoires colonisés ou 3/28/2021 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Variétés et variation : du français monocentré à la francophonie pluricentrique ? - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/34863?lang=en 3/22 2 3 administrés par la France et a pareillement promu, au moins en théorie, le français central, magnifié dans le discours colonial comme instrument de civilisation, au détriment des langues locales, dont l’emploi en situation formelle était théoriquement limité à la pratique du culte. La situation a sans doute était un peu différente en Nouvelle-France, c’est-à-dire au Canada français, où la rupture politique des années 1750 et le passage sous la domination anglaise ont entraîné tout au long des XVIIIe et XIXe siècles une attitude plus contrastée à la fois d’idéalisation du français (outil de résistance culturelle, économique et religieuse contre le monde anglo-saxon) mais aussi de méfiance contre la France accusée à la fois de son indifférence vis-à-vis de ses « enfants » nord-américains et de l’adoption d’un modèle politique condamné par les élites québécoises. Dans ces conditions, qu’ils fussent issus de la contamination du français standard par les langues de substrat (hexagone et colonies françaises) ou de l’évolution sui generis en situation d’isolement de la koiné qui s’était formée rapidement en Amérique du nord par croisement entre français populaire et « patois » du nord-ouest, les français régionaux furent perçus au mieux comme des idiomes « exotiques » sources de plaisanteries ou de pittoresque pour les tenants du « bon français », au pire comme une tare dont les utilisateurs en situation d’insécurité linguistique devaient se débarrasser au plus vite 1 . Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, cette situation de diglossie interne entre la variété de prestige et les français régionaux va progressivement évoluer à travers une revalorisation des seconds par une partie de leurs usagers. Il s’instaure progressivement l’idée d’une multipolarité du français et de la coexistence dans l’espace francophone de plusieurs variétés régionales du français toutes aussi légitimes et dignes d’accéder aux fonctions hautes de la communication. Notre intervention se proposera donc d’interroger les représentations auxquelles donnent lieu les variétés régionales, elle présentera ensuite le fonctionnement interne de ces topolectes du français en se focalisant sur les deux niveaux, 3/28/2021 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Variétés et variation : du français monocentré à la francophonie pluricentrique ? - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/34863?lang=en 4/22 4 Le refus de la norme parisienne et la revendication identitaire phonétique/phonologie et lexique, où s’accusent les différences avec le standard, enfin elle réfléchira sur les problèmes que soulève le choix d’une norme locale dans une conception polycentrée du français