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Qui ne s’est jamais cru capable de reconnaître un Juif simplement à son aspect extérieur ? Nous autres Juifs avons longtemps eu tendance à penser cela. Ce n’est pas que tous les Juifs aient la même corpulence, les mêmes cheveux bouclés ni la même couleur de cheveux, ni le même nez, et cependant… c’est difficile à expliquer, mais c’est plutôt une affaire d’intuition : « Tiens, regarde, je parie qu’ils sont juifs… Oh ! Oui, aucun doute possible ! » Nous le verrons bientôt : il s’agit là d’une ridicule prétention à la divination : il n’y a pas de type juif. Nous autres, Juifs américains, le jour où nous nous sommes rendus pour la première fois en Israël, nous nous sommes rendu compte très rapidement que l’image que nous avions d’un Juif ne représentait qu’une partie de la réalité : un peu comme si nous avions soudain découvert que l’amour ne se limite pas aux baisers. Nous nous sommes sentis bêtes en constatant qu’il existe des Juifs blonds, des Juifs orientaux à la peau mate et aux yeux verts, des Juifs au type asiatique, des Juifs noirs, des Juifs qui ressemblent à Arnold Schwarzenegger et des Juives qui ressemblent à Britney Spears ! Peut-on parler d’un peuple juif ? Les Juifs ne sont pas une race ni une culture, ni même véritablement un groupe ethnique ou une « nation ». Il existe environ 13 à 14 millions de Juifs dans le monde entier, dont près de 6 millions aux États-Unis, 5 millions en Israël et 600 000 en France. Il y a des chances pour que, comme nous, vous côtoyiez davantage de Juifs incroyants ou agnostiques que de Juifs croyants et pratiquants, si bien qu’être juif ne se résume pas non plus à appartenir à une religion. Donc, finalement, qu’est-ce qu’être juif ? Voici ce que l’on peut dire pour résumer : Être juif (être « un Juif »), c’est descendre d’un couple, Abraham et Sarah, qui a vécu il y a trente siècles et qui a manifestement fait souche. Ainsi s’est constitué un groupe que l’on peut appeler au choix : peuple, nation, ethnie et que les antisémites qualifient quelquefois de tribu. Il existe deux manières d’appartenir à ce groupe : être né de mère juive, et devenir juif par une série de rites, c’est-à-dire par conversion. Certains considèrent qu’il existe encore d’autres possibilités de devenir juif : nous traitons cette question plus loin dans ce chapitre. Le judaïsme est un ensemble de croyances, de pratiques et de règles morales fondées sur la Torah (voir chapitre 3). On peut être juif sans pratiquer le judaïsme, et il est même possible de pratiquer le judaïsme sans être juif. Juif ? Hébreu ? Israélite ? Le mot « Juif » n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible. Dans ce texte sacré, les ancêtres des Juifs sont d’abord appelés Hébreux puis enfants d’Israël. Israël est le nom que reçut le patriarche Jacob. Il eut douze fils, ancêtres des douze tribus entre lesquelles se partageaient les Hébreux sortis d’Égypte. Au VIIIe siècle avant l’ère chrétienne, dix de ces douze tribus ont été dispersées par les Assyriens (voir chapitre 10), tandis que la tribu de Juda et la tribu des Benjamin, cette dernière étant plus restreinte, ont constitué le royaume méridional appelé Royaume de Juda, c’est-à-dire la Judée. Lorsque la Judée est tombée aux mains des Babyloniens, ses habitants se retrouvèrent en exil. Ils furent alors appelés Judéens (Yehudim) car ils étaient le peuple de Juda (Yehudah). En hébreu, le terme Yehudim existe toujours et désigne tout simplement les « Juifs ». Par la suite, la religion du peuple de Juda a pris naturellement le nom de judaïsme. Diaspora Le peuple juif a souvent eu tendance à se retrouver éparpillé aux quatre coins du monde connu. C’est ce que l’on appelle la diaspora, terme grec qui signifie « dispersion ». On sait que plusieurs siècles avant l’ère chrétienne, il existait déjà des communautés juives en Afrique du Nord et sur la côte Est de l’Afrique, en Europe (notamment en Gaule) et en divers endroits d’Asie Mineure. Au XIe siècle vivait à Troyes, en Champagne, le plus fameux commentateur des textes sacrés, Salomon ben Isaac, dit Rashi. Peu de temps après la découverte de l’Amérique, des Juifs traversèrent l’Atlantique, et l’on a de bonnes raisons de penser qu’au moins un Juif se trouvait à bord du bateau de Christophe Colomb (certains sont allés jusqu’à affirmer que Colomb lui-même était juif). Partout où des Juifs se sont installés, il y a eu des mariages mixtes et des conversions, mais fondamentalement – et c’est le fait le plus remarquable – les Juifs sont restés fidèles à leur religion tout en adoptant la culture et les coutumes environnantes. Les mélanges expliquent le fait qu’environ 20 % des Juifs d’origine européenne aient les yeux bleus et que certains Juifs soient noirs ou aient un type asiatique. L’histoire des Juifs permet aussi de comprendre pourquoi un Juif de New York ne ressemble pas à un Juif de Bombay, ni physiquement ni par sa façon de vivre, et cependant, chacun des deux pourrait probablement se reconnaître dans la façon dont l’autre célèbre le shabbat (voir chapitre 17). De même, la cuisine, la musique et l’humour des Juifs originaires du Maghreb ou des pays du MoyenOrient (Irak, Yémen, Syrie, Liban) sont souvent plus proches de la culture arabe que des goûts hispaniques des Juifs du Brésil et d’Argentine ou du borchtch des Juifs ashkénazes et de leur musique yiddish. Même la façon de parler l’hébreu change d’un endroit à l’autre ! En fait, les Juifs ne répondent à aucun stéréotype. Malgré tout cela, il existe un lien très fort entre tous les Juifs du monde, lié au fait même d’être juifs. Cela peut peut-être s’expliquer par leur appartenance commune au judaïsme, à une vision commune de l’Histoire, ou à ce sentiment partagé d’avoir toujours été marginalisés et de l’être encore quelquefois. Très souvent, il s’agit fondamentalement de la conscience d’appartenir à une communauté de destin. Une controverse qui fait rage Votée en 1950 par la Knesset, le parlement israélien, la loi du retour garantit à tout Juif le droit d’immigrer en Israël et d’obtenir la nationalité israélienne. Un amendement de 1970 précise qu’est considéré comme Juif « quiconque est né de mère juive ou s’est converti au judaïsme et n’est pas membre d’une autre religion ». Cette définition a ravivé une controverse bien plus ancienne qui est loin d’être terminée : comment peut-on définir sans ambiguïté qui est juif et qui ne l’est pas, et qui est habilité à en décider ? L’octroi de la nationalité israélienne n’est pourtant pas conditionné à la pratique du judaïsme, d’autant que les fondateurs de l’État d’Israël étaient pour la plupart des Juifs non pratiquants, quelquefois même agnostiques. Avant l’adjonction des termes « et n’est pas membre d’une autre religion », qu’en était-il des personnes juives de naissance mais élevées dans la religion chrétienne ou musulmane ? Certains font valoir que la religion n’a rien à faire dans cette définition et rappellent que les nazis ne se préoccupaient généralement pas des convictions réelles des personnes qu’ils assassinaient. Le problème fait encore débat. Dans un livre fameux, Sartre a émis l’opinion qu’un Juif était « celui que les autres considéraient comme juif ». Qu’en est-il des convertis ? La loi rabbinique les considère comme juifs à part entière et interdit même toute discrimination. Cependant, il existe entre les divers courants du judaïsme des divergences sur les conditions d’accès à la conversion. Nous y reviendrons dans la section qui suit, consacrée à ces divers courants. Nous verrons notamment que les conversions effectuées sous les auspices d’un rabbin du courant libéral ne sont pas reconnues par le judaïsme orthodoxe. On entend souvent parler de « demi-juifs » (personnes dont un seul des deux parents est juif) et même de « quarts de juifs » (personnes ayant un seul grand-parent juif), parfois de la bouche des intéressés eux-mêmes. La conception la plus courante est qu’on est juif ou on ne l’est pas. Pour les Juifs traditionalistes, si votre grand-mère maternelle était juive, alors votre mère l’est aussi, et si votre mère est juive, alors vous êtes juif également. Cependant, les courants « libéraux » considèrent généralement que celui qui est né de père juif et a été élevé en tant que juif est juif et doit être également reconnu comme juif. Noirs et juifs, Juifs et noirs Presque partout dans le monde, il est inhabituel de rencontrer un Noir dans une synagogue. On sait qu’il existe çà et là des Noirs convertis au judaïsme, comme par exemple Sammy Davis Jr, mais dans l’ensemble, les Juifs ont la peau blanche, ou simplement le teint mat (ceux du MoyenOrient surtout). Il existe pourtant dans le monde plus de 100 000 Juifs noirs, notamment des Juifs éthiopiens qui ont émigré en Israël à la faveur d’un pont aérien entre la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt-dix. Coupés du reste des Juifs pendant des millénaires et n’ayant quelquefois pas connu le Talmud, les