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« Mais ils connaissent l'histoire », enchaîne Alexandra, qui ne souhaite pas revenir sur l'affaire au cours de laquelle son père a été, déplore-t-elle, « beaucoup sali et discrédité ». Il faut dire que l'ancien vendeur de chaussures n'était pas du genre à rester dans ses petits souliers. Sûr de mener une croisade juste, le syndicaliste de l'Hérault est devenu le héros de dizaines de milliers de petits commerçants, artisans et autres professions libérales qui voyaient en lui le sauveur face à un système fiscal qui les étranglait. Des slogans simples et sans détours, tel « On est foutu, on paye trop », se sont révélés d'une redoutable efficacité pour aimanter les adhésions. Des sociétés de conseil en expatriation fiscale Le chef de file du CDCA s'est peu à peu imposé sur la scène nationale. « Oui, on comptait dans le débat », évoque, non sans nostalgie, José Delcourt. En 1994, Christian Poucet a même annoncé sa candidature à l'élection présidentielle, mais il lui manquera une centaine de parrainages pour poursuivre l'aventure. Reste que l'homme est puissant et dérange. Dans les années 1990, les manifestations du CDCA sont craintes par les autorités. « A l'époque, les forces de l'ordre n'en menaient pas large avant nos rassemblements », se rappelle, un brin vantard, un ancien adhérent. Gros tempérament et tribun bouillant, Christian Poucet se fait même rattraper par la justice. Il passera plusieurs mois en détention après une condamnation pour la détention d'armes (destinées, selon lui, à l'inscription à un club de tir) et des menaces de mort proférées en public contre un magistrat (ce qu'il a toujours contesté). Au fil des ans, le syndicaliste est aussi devenu un homme d'affaires. Pour la cause − et aussi pour ses intérêts selon ses détracteurs − Christian Poucet met au point un contre-système, proposé aux commerçants et artisans qui souhaitent échapper aux prélèvements jugés iniques du fisc. Le concept de délocalisation fait des émules. On ne paye plus ses cotisations sociales obligatoires. On mise sur des assurances et des mutuelles privées. Christian Poucet va créer des sociétés offrant aux résistants au système d'installer le siège de leur affaire − via des localisations fictives − à Dublin ou à Madère. C'est dans les locaux de l'une de ces sociétés de conseil en expatriation fiscale, près de Montpellier, que deux hommes, apparemment très bien renseignés, se sont introduits le 29 janvier 2001. Des impasses et un non-lieu Ce jour-là, José Delcroix ne l'oubliera jamais. « Je devais rejoindre Christian à Baillargues. On avait prévu de partir ensemble en voiture sur Toulouse, avec sa Corvette, son seul plaisir », relate José pour signifier que Christian Poucet n'était pas le « flambeur » que certains ont décrit. Mais le matin de ce 29 janvier, ce dernier prévient son collaborateur que ce n'est pas la peine de passer à Baillargues et qu'il le rejoindra directement à Montpellier. Ils se reverront jamais. « J'ai reçu un appel me disant Quelque chose s'est passé, fonce à Baillargues. Arrivé aux bureaux de Christian, j'ai voulu monter. C'était trop tard, la police municipale m'en a empêché. » L'exécution du patron du CDCA a fait les gros titres des journaux. Et l'affaire a disparu des médias à mesure que l'enquête s'enlisait. Les tueurs ne seront jamais identifiés, le ou les commanditaires éventuels jamais retrouvés. « La justice a ordonné un non-lieu en décembre 2014. Désormais, seul un élément nouveau pourrait relancer le dossier. C'est difficile à vivre », soupire le compagnon d'Alexandra. « A Noël 2000, mon papa m'a dit : Ça y est j'ai trouvé la faille, j'arrête ce combat en janvier, c'est fini. Est-ce un hasard ? » rapporte sa fille, interrogative. L'instruction a pourtant connu plusieurs rebondissements liés à deux pistes notamment. L'une a tenté une connexion avec l'énigmatique docteur et marin Yves Godard, disparu en mer avec sa famille en 1999, qui était un adhérent actif du CDCA. L'autre a exploré un possible litige financier avec des partenaires de la défiscalisation à Madère. Toutes ces investigations ont abouti à des impasses. «Après sa mort, tout le monde est rentré dans le rang» « Aujourd'hui, il y a sûrement des gens encore vivants qui savent quelque chose », croit espérer un ex-militant du CDCA. José Delcourt, lui, nourrit quelques certitudes et pose quelques questions. « Cet assassinat n'est pas lié aux activités professionnelles de Christian, ni à une jalousie ou à un adhérent. A-t-on cherché à éliminer Christian ? Etait-ce lié au mouvement ? C'est compliqué… », évalue cet ancien fidèle lieutenant qui considère que les enquêteurs ont « levé le pied un peu vite ». Il n'affirme rien, mais expose un constat : « Après la mort de Christian, tout le monde est rentré dans le rang. Le CDCA n'a jamais vraiment survécu à la disparition de son leader. »